Au Po鑤e impeccable
Au parfait magicien 鑣 lettres fran鏰ises
A mon tr鑣-cher et tr鑣-v閚閞�
Ma顃re et ami
Th閛phile Gautier
Avec les sentiments
De la plus profonde humilit�
Je d閐ie
Ces Fleurs maladives
C.B.
La sottise, l'erreur, le p閏h�, la l閟ine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos p閏h閟 sont t阾us, nos repentirs sont l鈉hes;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trism間iste
Qui berce longuement notre esprit enchant�,
Et le riche m閠al de notre volont�
Est tout vaporis� par ce savant chimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
Aux objets r閜ugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, � travers des t閚鑒res qui puent.
Ainsi qu'un d閎auch� pauvre qui baise et mange
Le sein martyris� d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serr�, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de D閙ons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brod� de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre 鈓e, h閘as! n'est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panth鑢es, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la m閚agerie inf鈓e de nos vices,
II en est un plus laid, plus m閏hant, plus immonde!
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un d閎ris
Et dans un b鈏llement avalerait le monde;
C'est l'Ennui! L'oeil charg� d'un pleur involontaire,
II r陃e d'閏hafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre d閘icat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon fr鑢e!
SPLEEN ET IDEAL
Lorsque, par un d閏ret des puissances supr阭es,
Le Po鑤e appara顃 en ce monde ennuy�,
Sa m鑢e 閜ouvant閑 et pleine de blasph鑝es
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en piti�:
-"Ah! que n'ai-je mis bas tout un noeud de vip鑢es,
Plut魌 que de nourrir cette d閞ision!
Maudite soit la nuit aux plaisirs 閜h閙鑢es
O� mon ventre a con鐄 mon expiation!
Puisque tu m'as choisie entre toutes les femmes
Pour 阾re le d間o鹴 de mon triste mari,
Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes,
Comme un billet d'amour, ce monstre rabougri,
Je ferai rejaillir ta haine qui m'accable
Sur l'instrument maudit de tes m閏hancet閟,
Et je tordrai si bien cet arbre mis閞able,
Qu'il ne pourra pousser ses boutons empest閟!"
Elle ravale ainsi l'閏ume de sa haine,
Et, ne comprenant pas les desseins 閠ernels,
Elle-m阭e pr閜are au fond de la G閔enne
Les b鹀hers consacr閟 aux crimes maternels.
Pourtant, sous la tutelle invisible d'un Ange,
L'Enfant d閟h閞it� s'enivre de soleil
Et dans tout ce qu'il boit et dans tout ce qu'il mange
Retrouve l'ambroisie et le nectar vermeil.
II joue avec le vent, cause avec le nuage,
Et s'enivre en chantant du chemin de la croix;
Et l'Esprit qui le suit dans son p鑜erinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.
Tous ceux qu'il veut aimer l'observent avec crainte,
Ou bien, s'enhardissant de sa tranquillit�,
Cherchent � qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l'essai de leur f閞ocit�.
Dans le pain et le vin destin閟 � sa bouche
Ils m阬ent de la cendre avec d'impurs crachats;
Avec hypocrisie ils jettent ce qu'il touche,
Et s'accusent d'avoir mis leurs pieds dans ses pas.
Sa femme va criant sur les places publiques:
"Puisqu'il me trouve assez belle pour m'adorer,
Je ferai le m閠ier des idoles antiques,
Et comme elles je veux me faire redorer;
Et je me so鹟erai de nard, d'encens, de myrrhe,
De g閚uflexions, de viandes et de vins,
Pour savoir si je puis dans un coeur qui m'admire
Usurper en riant les hommages divins!
Et, quand je m'ennuierai de ces farces impies,
Je poserai sur lui ma fr阬e et forte main;
Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies,
Sauront jusqu'� son coeur se frayer un chemin.
Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite,
J'arracherai ce coeur tout rouge de son sein,
Et, pour rassasier ma b阾e favorite
Je le lui jetterai par terre avec d閐ain!"
Vers le Ciel, o� son oeil voit un tr鬾e splendide,
Le Po鑤e serein l鑦e ses bras pieux
Et les vastes 閏lairs de son esprit lucide
Lui d閞obent l'aspect des peuples furieux:
-"Soyez b閚i, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin rem鑔e � nos impuret閟
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui pr閜are les forts aux saintes volupt閟!
Je sais que vous gardez une place au Po鑤e
Dans les rangs bienheureux des saintes L間ions,
Et que vous l'invitez � l'閠ernelle f阾e
Des Tr鬾es, des Vertus, des Dominations.
Je sais que la douleur est la noblesse unique
O� ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu'il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.
Mais les bijoux perdus de l'antique Palmyre,
Les m閠aux inconnus, les perles de la mer,
Par votre main mont閟, ne pourraient pas suffire
A ce beau diad鑝e 閎louissant et clair;
Car il ne sera fait que de pure lumi鑢e,
Puis閑 au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur enti鑢e,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs!"
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'閝uipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils d閜os閟 sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons tra頽er � c魌� d'eux.
Ce voyageur ail�, comme il est gauche et veule!
Lui, nagu鑢e si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un br鹟e-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!
Le Po鑤e est semblable au prince des nu閑s
Qui hante la temp阾e et se rit de l'archer;
Exil� sur le sol au milieu des hu閑s,
Ses ailes de g閍nt l'emp阠hent de marcher.
Au-dessus des 閠angs, au-dessus des vall閑s,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par del� le soleil, par del� les 閠hers,
Par del� les confins des sph鑢es 閠oil閑s,
Mon esprit, tu te meus avec agilit�,
Et, comme un bon nageur qui se p鈓e dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensit� profonde
Avec une indicible et m鈒e volupt�.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air sup閞ieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derri鑢e les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'閘ancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!
La Nature est un temple o� de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe � travers des for阾s de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs 閏hos qui de loin se confondent
Dans une t閚閎reuse et profonde unit�,
Vaste comme la nuit et comme la clart�,
Les parfums, les couleurs et les sons se r閜ondent.
II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
J'aime le souvenir de ces 閜oques nues,
Dont Phoebus se plaisait � dorer les statues.
Alors l'homme et la femme en leur agilit�
Jouissaient sans mensonge et sans anxi閠�,
Et, le ciel amoureux leur caressant l'閏hine,
Exer鏰ient la sant� de leur noble machine.
Cyb鑜e alors, fertile en produits g閚閞eux,
Ne trouvait point ses fils un poids trop on閞eux,
Mais, louve au coeur gonfl� de tendresses communes
Abreuvait l'univers � ses t閠ines brunes.
L'homme, 閘間ant, robuste et fort, avait le droit
D'阾re fier des beaut閟 qui le nommaient leur roi;
Fruits purs de tout outrage et vierges de ger鐄res,
Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures!
Le Po鑤e aujourd'hui, quand il veut concevoir
Ces natives grandeurs, aux lieux o� se font voir
La nudit� de l'homme et celle de la femme,
Sent un froid t閚閎reux envelopper son 鈓e
Devant ce noir tableau plein d'閜ouvantement.
O monstruosit閟 pleurant leur v阾ement!
O ridicules troncs! torses dignes des masques!
O pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques,
Que le dieu de l'Utile, implacable et serein,
Enfants, emmaillota dans ses langes d'airain!
Et vous, femmes, h閘as! p鈒es comme des cierges,
Que ronge et que nourrit la d閎auche, et vous, vierges,
Du vice maternel tra頽ant l'h閞閐it�
Et toutes les hideurs de la f閏ondit�!
Nous avons, il est vrai, nations corrompues,
Aux peuples anciens des beaut閟 inconnues:
Des visages rong閟 par les chancres du coeur,
Et comme qui dirait des beaut閟 de langueur;
Mais ces inventions de nos muses tardives
N'emp阠heront jamais les races maladives
De rendre � la jeunesse un hommage profond,
- A la sainte jeunesse, � l'air simple, au doux front,
A l'oeil limpide et clair ainsi qu'une eau courante,
Et qui va r閜andant sur tout, insouciante
Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs,
Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs!
Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fra頲he o� l'on ne peut aimer,
Mais o� la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer;
L閛nard de Vinci, miroir profond et sombre,
O� des anges charmants, avec un doux souris
Tout charg� de myst鑢e, apparaissent � l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays;
Rembrandt, triste h魀ital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix d閏or� seulement,
O� la pri鑢e en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver travers� brusquement;
Michel-Ange, lieu vague o� l'on voit des Hercules
Se m阬er � des Christs, et se lever tout droits
Des fant鬽es puissants qui dans les cr閜uscules
D閏hirent leur suaire en 閠irant leurs doigts;
Col鑢es de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beaut� des goujats,
Grand coeur gonfl� d'orgueil, homme d閎ile et jaune,
Puget, m閘ancolique empereur des for鏰ts;
Watteau, ce carnaval o� bien des coeurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
D閏ors frais et l間ers 閏lair閟 par des lustres
Qui versent la folie � ce bal tournoyant;
Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les d閙ons ajustant bien leurs bas;
Delacroix, lac de sang hant� des mauvais anges,
Ombrag� par un bois de sapins toujours vert,
O�, sous un ciel chagrin, des fanfares 閠ranges
Passent, comme un soupir 閠ouff� de Weber;
Ces mal閐ictions, ces blasph鑝es, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un 閏ho redit par mille labyrinthes;
C'est pour les coeurs mortels un divin opium!
C'est un cri r閜閠� par mille sentinelles,
Un ordre renvoy� par mille porte-voix;
C'est un phare allum� sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois!
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur t閙oignage
Que nous puissions donner de notre dignit�
Que cet ardent sanglot qui roule d'鈍e en 鈍e
Et vient mourir au bord de votre 閠ernit�!
Ma pauvre muse, h閘as! qu'as-tu donc ce matin?
Tes yeux creux sont peupl閟 de visions nocturnes,
Et je vois tour � tour r閒l閏his sur ton teint
La folie et l'horreur, froides et taciturnes.
Le succube verd鈚re et le rose lutin
T'ont-ils vers� la peur et l'amour de leurs urnes?
Le cauchemar, d'un poing despotique et mutin
T'a-t-il noy閑 au fond d'un fabuleux Minturnes?
Je voudrais qu'exhalant l'odeur de la sant�
Ton sein de pensers forts f鹴 toujours fr閝uent�,
Et que ton sang chr閠ien coul鈚 � flots rythmiques,
Comme les sons nombreux des syllabes antiques,
O� r鑗nent tour � tour le p鑢e des chansons,
Phoebus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.
O muse de mon coeur, amante des palais,
Auras-tu, quand Janvier l鈉hera ses Bor閑s,
Durant les noirs ennuis des neigeuses soir閑s,
Un tison pour chauffer tes deux pieds violets?
Ranimeras-tu donc tes 閜aules marbr閑s
Aux nocturnes rayons qui percent les volets?
Sentant ta bourse � sec autant que ton palais
R閏olteras-tu l'or des vo鹴es azur閑s?
II te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
Comme un enfant de choeur, jouer de l'encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois gu鑢e,
Ou, saltimbanque � jeun, 閠aler tes appas
Et ton rire tremp� de pleurs qu'on ne voit pas,
Pour faire 閜anouir la rate du vulgaire.
Les clo顃res anciens sur leurs grandes murailles
Etalaient en tableaux la sainte V閞it�,
Dont l'effet r閏hauffant les pieuses entrailles,
Temp閞ait la froideur de leur aust閞it�.
En ces temps o� du Christ florissaient les semailles,
Plus d'un illustre moine, aujourd'hui peu cit�,
Prenant pour atelier le champ des fun閞ailles,
Glorifiait la Mort avec simplicit�.
- Mon 鈓e est un tombeau que, mauvais c閚obite,
Depuis l'閠ernit� je parcours et j'habite;
Rien n'embellit les murs de ce clo顃re odieux.
O moine fain閍nt! quand saurai-je donc faire
Du spectacle vivant de ma triste mis鑢e
Le travail de mes mains et l'amour de mes yeux?
Ma jeunesse ne fut qu'un t閚閎reux orage,
Travers� 玎 et l� par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voil� que j'ai touch� l'automne des id閑s,
Et qu'il faut employer la pelle et les r鈚eaux
Pour rassembler � neuf les terres inond閑s,
O� l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je r陃e
Trouveront dans ce sol lav� comme une gr鑦e
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
- O douleur! � douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons cro顃 et se fortifie!
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage!
Bien qu'on ait du coeur � l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.
Loin des s閜ultures c閘鑒res,
Vers un cimeti鑢e isol�,
Mon coeur, comme un tambour voil�,
Va battant des marches fun鑒res.
- Maint joyau dort enseveli
Dans les t閚鑒res et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes;
Mainte fleur 閜anche � regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes.
J'ai longtemps habit� sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
M阬aient d'une fa鏾n solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant refl閠� par mes yeux.
C'est l� que j'ai v閏u dans les volupt閟 calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout impr間n閟 d'odeurs,
Qui me rafra頲hissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin 閠ait d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
La tribu proph閠ique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant � leurs fiers app閠its
Le tr閟or toujours pr阾 des mamelles pendantes.
Les hommes vont � pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots o� les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chim鑢es absentes.
Du fond de son r閐uit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson;
Cyb鑜e, qui les aime, augmente ses verdures,
Fait couler le rocher et fleurir le d閟ert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des t閚鑒res futures.
Homme libre, toujours tu ch閞iras la mer!
La mer est ton miroir; tu contemples ton 鈓e
Dans le d閞oulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais � plonger au sein de ton image;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous 阾es tous les deux t閚閎reux et discrets:
Homme, nul n'a sond� le fond de tes ab頼es;
O mer, nul ne conna顃 tes richesses intimes,
Tant vous 阾es jaloux de garder vos secrets!
Et cependant voil� des si鑓les innombrables
Que vous vous combattez sans piti� ni remords,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs 閠ernels, � fr鑢es implacables!
Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine
Et lorsqu'il eut donn� son obole � Charon,
Un sombre mendiant, l'oeil fier comme Antisth鑞e,
D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron.
Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes,
Des femmes se tordaient sous le noir firmament,
Et, comme un grand troupeau de victimes offertes,
Derri鑢e lui tra頽aient un long mugissement.
Sganarelle en riant lui r閏lamait ses gages,
Tandis que Don Luis avec un doigt tremblant
Montrait � tous les morts errant sur les rivages
Le fils audacieux qui railla son front blanc.
Frissonnant sous son deuil, la chaste et maigre Elvire,
Pr鑣 de l'閜oux perfide et qui fut son amant,
Semblait lui r閏lamer un supr阭e sourire
O� brill鈚 la douceur de son premier serment.
Tout droit dans son armure, un grand homme de pierre
Se tenait � la barre et coupait le flot noir;
Mais le calme h閞os, courb� sur sa rapi鑢e,
Regardait le sillage et ne daignait rien voir.
En ces temps merveilleux o� la Th閛logie
Fleurit avec le plus de s鑦e et d'閚ergie,
On raconte qu'un jour un docteur des plus grands,
- Apr鑣 avoir forc� les coeurs indiff閞ents;
Les avoir remu閟 dans leurs profondeurs noires;
Apr鑣 avoir franchi vers les c閘estes gloires
Des chemins singuliers � lui-m阭e inconnus,
O� les purs Esprits seuls peut-阾re 閠aient venus,
- Comme un homme mont� trop haut, pris de panique,
S'閏ria, transport� d'un orgueil satanique:
"J閟us, petit J閟us! je t'ai pouss� bien haut!
Mais, si j'avais voulu t'attaquer au d閒aut
De l'armure, ta honte 間alerait ta gloire,
Et tu ne serais plus qu'un foetus d閞isoire!"
Imm閐iatement sa raison s'en alla.
L'閏lat de ce soleil d'un cr阷e se voila
Tout le chaos roula dans cette intelligence,
Temple autrefois vivant, plein d'ordre et d'opulence,
Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui.
Le silence et la nuit s'install鑢ent en lui,
Comme dans un caveau dont la clef est perdue.
D鑣 lors il fut semblable aux b阾es de la rue,
Et, quand il s'en allait sans rien voir, � travers
Les champs, sans distinguer les 閠閟 des hivers,
Sale, inutile et laid comme une chose us閑,
Il faisait des enfants la joie et la ris閑.
Je suis belle, � mortels! comme un r陃e de pierre,
Et mon sein, o� chacun s'est meurtri tour � tour,
Est fait pour inspirer au po鑤e un amour
Eternel et muet ainsi que la mati鑢e.
Je tr鬾e dans l'azur comme un sphinx incompris;
J'unis un coeur de neige � la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui d閜lace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les po鑤es, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'aust鑢es 閠udes;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clart閟 閠ernelles!
Ce ne seront jamais ces beaut閟 de vignettes,
Produits avari閟, n閟 d'un si鑓le vaurien,
Ces pieds � brodequins, ces doigts � castagnettes,
Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien.
Je laisse � Gavarni, po鑤e des chloroses,
Son troupeau gazouillant de beaut閟 d'h魀ital,
Car je ne puis trouver parmi ces p鈒es roses
Une fleur qui ressemble � mon rouge id閍l.
Ce qu'il faut � ce coeur profond comme un ab頼e,
C'est vous, Lady Macbeth, 鈓e puissante au crime,
R陃e d'Eschyle 閏los au climat des autans;
Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange,
Qui tors paisiblement dans une pose 閠range
Tes appas fa鏾nn閟 aux bouches des Titans!
Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J'eusse aim� vivre aupr鑣 d'une jeune g閍nte,
Comme aux pieds d'une reine un chat voluptueux.
J'eusse aim� voir son corps fleurir avec son 鈓e
Et grandir librement dans ses terribles jeux;
Deviner si son coeur couve une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux;
Parcourir � loisir ses magnifiques formes;
Ramper sur le versant de ses genoux 閚ormes,
Et parfois en 閠�, quand les soleils malsains,
Lasse, la font s'閠endre � travers la campagne,
Dormir nonchalamment � l'ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d'une montagne.
Statue all間orique dans le go鹴 de la Renaissance
A Ernest Christophe, statuaire.
Contemplons ce tr閟or de gr鈉es florentines;
Dans l'ondulation de ce corps musculeux
L'El間ance et la Force abondent, soeurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour tr鬾er sur des lits somptueux
Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.
- Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
O� la Fatuit� prom鑞e son extase;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur;
Ce visage mignard, tout encadr� de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur:
"La Volupt� m'appelle et l'Amour me couronne!"
A cet 阾re dou� de tant de majest�
Vois quel charme excitant la gentillesse donne!
Approchons, et tournons autour de sa beaut�.
O blasph鑝e de l'art! � surprise fatale!
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bic閜hale!
- Mais non! ce n'est qu'un masque, un d閏or suborneur,
Ce visage 閏lair� d'une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crisp閑 atrocement,
La v閞itable t阾e, et la sinc鑢e face
Renvers閑 � l'abri de la face qui ment
Pauvre grande beaut�! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon coeur soucieux
Ton mensonge m'enivre, et mon 鈓e s'abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
- Mais pourquoi pleure-t-elle? Elle, beaut� parfaite,
Qui mettrait � ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal myst閞ieux ronge son flanc d'athl鑤e?
- Elle pleure insens�, parce qu'elle a v閏u!
Et parce qu'elle vit! Mais ce qu'elle d閜lore
Surtout, ce qui la fait fr閙ir jusqu'aux genoux,
C'est que demain, h閘as! il faudra vivre encore!
Demain. apr鑣-demain et toujours! - comme nous!
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'ab頼e,
O Beaut�? ton regard, infernal et divin,
Verse confus閙ent le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu r閜ands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le h閞os l鈉he et l'enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres?
Le Destin charm� suit tes jupons comme un chien;
Tu s鑝es au hasard la joie et les d閟astres,
Et tu gouvernes tout et ne r閜onds de rien.
Tu marches sur des morts, Beaut�, dont tu te moques;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus ch鑢es breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L'閜h閙鑢e 閎loui vole vers toi, chandelle,
Cr閜ite, flambe et dit: B閚issons ce flambeau!
L'amoureux pantelant inclin� sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
O Beaut�! monstre 閚orme, effrayant, ing閚u!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu?
De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou Sir鑞e,
Qu'importe, si tu rends, - f閑 aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, � mon unique reine! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds?
Quand, les deux yeux ferm閟, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se d閞ouler des rivages heureux
Qu'閎louissent les feux d'un soleil monotone;
Une 頻e paresseuse o� la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise 閠onne.
Guid� par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de m鈚s
Encor tout fatigu閟 par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se m阬e dans mon 鈓e au chant des mariniers.
O toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum charg� de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alc魐e obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!
La langoureuse Asie et la br鹟ante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque d閒unt,
Vit dans tes profondeurs, for阾 aromatique!
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, � mon amour! nage sur ton parfum.
J'irai l�-bas o� l'arbre et l'homme, pleins de s鑦e,
Se p鈓ent longuement sous l'ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enl鑦e!
Tu contiens, mer d'閎鑞e, un 閎louissant r陃e
De voiles, de rameurs, de flammes et de m鈚s:
Un port retentissant o� mon 鈓e peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur
O� les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur o� fr閙it l'閠ernelle chaleur.
Je plongerai ma t阾e amoureuse d'ivresse
Dans ce noir oc閍n o� l'autre est enferm�;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, � f閏onde paresse,
Infinis bercements du loisir embaum�!
Cheveux bleus, pavillon de t閚鑒res tendues
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvet閟 de vos m鑓hes tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps! toujours! ma main dans ta crini鑢e lourde
S鑝era le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'� mon d閟ir tu ne sois jamais sourde!
N'es-tu pas l'oasis o� je r陃e, et la gourde
O� je hume � longs traits le vin du souvenir?
Je t'adore � l'間al de la vo鹴e nocturne,
O vase de tristesse, � grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui s閜arent mes bras des immensit閟 bleues.
Je m'avance � l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme apr鑣 un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je ch閞is, � b阾e implacable et cruelle!
Jusqu'� cette froideur par o� tu m'es plus belle!
Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle,
Femme impure! L'ennui rend ton 鈓e cruelle.
Pour exercer tes dents � ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un coeur au r鈚elier.
Tes yeux, illumin閟 ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les f阾es publiques,
Usent insolemment d'un pouvoir emprunt�,
Sans conna顃re jamais la loi de leur beaut�.
Machine aveugle et sourde, en cruaut閟 f閏onde!
Salutaire instrument, buveur du sang du monde,
Comment n'as-tu pas honte et comment n'as-tu pas
Devant tous les miroirs vu p鈒ir tes appas?
La grandeur de ce mal o� tu te crois savante
Ne t'a donc jamais fait reculer d'閜ouvante,
Quand la nature, grande en ses desseins cach閟
De toi se sert, � femme, � reine des p閏h閟,
- De toi, vil animal, - pour p閠rir un g閚ie?
O fangeuse grandeur! sublime ignominie!
Bizarre d閕t�, brune comme les nuits,
Au parfum m閘ang� de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorci鑢e au flanc d'閎鑞e, enfant des noirs minuits,
Je pr閒鑢e au constance, � l'opium, au nuits,
L'閘ixir de ta bouche o� l'amour se pavane;
Quand vers toi mes d閟irs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne o� boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton 鈓e,
O d閙on sans piti�! verse-moi moins de flamme;
Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,
H閘as! et je ne puis, M間鑢e libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!
Avec ses v阾ements ondoyants et nacr閟,
M阭e quand elle marche on croirait qu'elle danse,
Comme ces longs serpents que les jongleurs sacr閟
Au bout de leurs b鈚ons agitent en cadence.
Comme le sable morne et l'azur des d閟erts,
Insensibles tous deux � l'humaine souffrance
Comme les longs r閟eaux de la houle des mers
Elle se d関eloppe avec indiff閞ence.
Ses yeux polis sont faits de min閞aux charmants,
Et dans cette nature 閠range et symbolique
O� l'ange inviol� se m阬e au sphinx antique,
O� tout n'est qu'or, acier, lumi鑢e et diamants,
Resplendit � jamais, comme un astre inutile,
La froide majest� de la femme st閞ile.
Que j'aime voir, ch鑢e indolente,
De ton corps si beau,
Comme une 閠offe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux 鈉res parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'関eille
Au vent du matin,
Mon 鈓e r陃euse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux, o� rien ne se r関鑜e
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids o� se m阬e
L'or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un b鈚on.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta t阾e d'enfant
Se balance avec la mollesse
D'un jeune 閘閜hant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Boh阭e,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui pars鑝e
D'閠oiles mon coeur!
Rappelez-vous l'objet que nous v頼es, mon 鈓e,
Ce beau matin d'閠� si doux:
Au d閠our d'un sentier une charogne inf鈓e
Sur un lit sem� de cailloux,
Le ventre en l'air, comme une femme lubrique,
Br鹟ante et suant les poisons,
Ouvrait d'une fa鏾n nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire � point,
Et de rendre au centuple � la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'閜anouir.
La puanteur 閠ait si forte, que sur l'herbe
Vous cr鹴es vous 関anouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'o� sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un 閜ais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague
Ou s'閘an鏰it en p閠illant
On e鹴 dit que le corps, enfl� d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une 閠range musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effa鏰ient et n'閠aient plus qu'un r陃e,
Une 閎auche lente � venir
Sur la toile oubli閑, et que l'artiste ach鑦e
Seulement par le souvenir.
Derri鑢e les rochers une chienne inqui鑤e
Nous regardait d'un oeil f鈉h�,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait l鈉h�.
- Et pourtant vous serez semblable � cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, � la reine des gr鈉es,
Apres les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, � ma beaut�! dites � la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gard� la forme et l'essence divine
De mes amours d閏ompos閟!
J'implore ta piti�, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur o� mon coeur est tomb�.
C'est un univers morne � l'horizon plomb�,
O� nagent dans la nuit l'horreur et le blasph鑝e;
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre;
C'est un pays plus nu que la terre polaire
- Ni b阾es, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!
Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse
La froide cruaut� de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos;
Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l'閏heveau du temps lentement se d関ide!
Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon coeur plaintif es entr閑;
Toi qui, forte comme un troupeau
De d閙ons, vins, folle et par閑,
De mon esprit humili�
Faire ton lit et ton domaine;
- Inf鈓e � qui je suis li�
Comme le for鏰t � la cha頽e,
Comme au jeu le joueur t阾u,
Comme � la bouteille l'ivrogne,
Comme aux vermines la charogne
- Maudite, maudite sois-tu!
J'ai pri� le glaive rapide
De conqu閞ir ma libert�,
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma l鈉het�.
H閘as! le poison et le glaive
M'ont pris en d閐ain et m'ont dit:
"Tu n'es pas digne qu'on t'enl鑦e
A ton esclavage maudit,
Imb閏ile! - de son empire
Si nos efforts te d閘ivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire!"
Une nuit que j'閠ais pr鑣 d'une affreuse Juive,
Comme au long d'un cadavre un cadavre 閠endu,
Je me pris � songer pr鑣 de ce corps vendu
A la triste beaut� dont mon d閟ir se prive.
Je me repr閟entai sa majest� native,
Son regard de vigueur et de gr鈉es arm�,
Ses cheveux qui lui font un casque parfum�,
Et dont le souvenir pour l'amour me ravive.
Car j'eusse avec ferveur bais� ton noble corps,
Et depuis tes pieds frais jusqu'� tes noires tresses
D閞oul� le tr閟or des profondes caresses,
Si, quelque soir, d'un pleur obtenu sans effort
Tu pouvais seulement, � reine des cruelles!
Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.
Lorsque tu dormiras, ma belle t閚閎reuse,
Au fond d'un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n'auras pour alc魐e et manoir
Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse;
Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir,
Emp阠hera ton coeur de battre et de vouloir,
Et tes pieds de courir leur course aventureuse,
Le tombeau, confident de mon r陃e infini
(Car le tombeau toujours comprendra le po鑤e),
Durant ces grandes nuits d'o� le somme est banni,
Te dira: "Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts?"
- Et le vers rongera ta peau comme un remords.
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
M阬閟 de m閠al et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent � loisir
Ta t阾e et ton dos 閘astique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps 閘ectrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable b阾e
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques � la t阾e,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Deux guerriers ont couru l'un sur l'autre, leurs armes
Ont 閏labouss� l'air de lueurs et de sang.
Ces jeux, ces cliquetis du fer sont les vacarmes
D'une jeunesse en proie � l'amour vagissant.
Les glaives sont bris閟! comme notre jeunesse,
Ma ch鑢e! Mais les dents, les ongles ac閞閟,
Vengent bient魌 l'閜閑 et la dague tra顃resse.
- O fureur des coeurs m鹯s par l'amour ulc閞閟!
Dans le ravin hant� des chats-pards et des onces
Nos h閞os, s'閠reignant m閏hamment, ont roul�,
Et leur peau fleurira l'aridit� des ronces.
- Ce gouffre, c'est l'enfer, de nos amis peupl�!
Roulons-y sans remords, amazone inhumaine,
Afin d'閠erniser l'ardeur de notre haine!
M鑢e des souvenirs, ma顃resse des ma顃resses,
O toi, tous mes plaisirs! � toi, tous mes devoirs!
Tu te rappelleras la beaut� des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
M鑢e des souvenirs, ma顃resse des ma顃resses!
Les soirs illumin閟 par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voil閟 de vapeurs roses.
Que ton sein m'閠ait doux! que ton coeur m'閠ait bon!
Nous avons dit souvent d'imp閞issables choses
Les soirs illumines par l'ardeur du charbon.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soir閑s!
Que l'espace est profond! que le coeur est puissant!
En me penchant vers toi, reine des ador閑s,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soir閑s!
La nuit s'閜aississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, � douceur! � poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'閜aississait ainsi qu'une cloison.
Je sais l'art d'関oquer les minutes heureuses,
Et revis mon pass� blotti dans tes genoux.
Car � quoi bon chercher tes beaut閟 langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton coeur si doux?
Je sais l'art d'関oquer les minutes heureuses!
Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Rena顃ront-ils d'un gouffre interdit � nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Apr鑣 s'阾re lav閟 au fond des mers profondes?
- O serments! � parfums! � baisers infinis!
Le soleil s'est couvert d'un cr阷e. Comme lui,
O Lune de ma vie! emmitoufle-toi d'ombre
Dors ou fume � ton gr�; sois muette, sois sombre,
Et plonge tout enti鑢e au gouffre de l'Ennui;
Je t'aime ainsi! Pourtant, si tu veux aujourd'hui,
Comme un astre 閏lips� qui sort de la p閚ombre,
Te pavaner aux lieux que la Folie encombre
C'est bien! Charmant poignard, jaillis de ton 閠ui!
Allume ta prunelle � la flamme des lustres!
Allume le d閟ir dans les regards des rustres!
Tout de toi m'est plaisir, morbide ou p閠ulant;
Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore;
II n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant
Qui ne crie: O mon cher Belz閎uth, je t'adore!
Dans les caveaux d'insondable tristesse
O� le Destin m'a d閖� rel間u�;
O� jamais n'entre un rayon rose et gai;
O�, seul avec la Nuit, maussade h魌esse,
Je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur
Condamne � peindre, h閘as! sur les t閚鑒res;
O�, cuisinier aux app閠its fun鑒res,
Je fais bouillir et je mange mon coeur,
Par instants brille, et s'allonge, et s'閠ale
Un spectre fait de gr鈉e et de splendeur.
A sa r陃euse allure orientale,
Quand il atteint sa totale grandeur,
Je reconnais ma belle visiteuse:
C'est Elle! noire et pourtant lumineuse.
Lecteur, as-tu quelquefois respir�
Avec ivresse et lente gourmandise
Ce grain d'encens qui remplit une 間lise,
Ou d'un sachet le musc inv閠閞�?
Charme profond, magique, dont nous grise
Dans le pr閟ent le pass� restaur�!
Ainsi l'amant sur un corps ador�
Du souvenir cueille la fleur exquise.
De ses cheveux 閘astiques et lourds,
Vivant sachet, encensoir de l'alc魐e,
Une senteur montait, sauvage et fauve,
Et des habits, mousseline ou velours,
Tout impr間n閟 de sa jeunesse pure,
Se d間ageait un parfum de fourrure.
Comme un beau cadre ajoute � la peinture,
Bien qu'elle soit d'un pinceau tr鑣-vant�,
Je ne sais quoi d'閠range et d'enchant�
En l'isolant de l'immense nature,
Ainsi bijoux, meubles, m閠aux, dorure,
S'adaptaient juste � sa rare beaut�;
Rien n'offusquait sa parfaite clart�,
Et tout semblait lui servir de bordure.
M阭e on e鹴 dit parfois qu'elle croyait
Que tout voulait l'aimer; elle noyait
Sa nudit� voluptueusement
Dans les baisers du satin et du linge,
Et, lente ou brusque, � chaque mouvement
Montrait la gr鈉e enfantine du singe.
La Maladie et la Mort font des cendres
De tout le feu qui pour nous flamboya.
De ces grands yeux si fervents et si tendres,
De cette bouche o� mon coeur se noya,
De ces baisers puissants comme un dictame,
De ces transports plus vifs que des rayons,
Que reste-t-il? C'est affreux, � mon 鈓e!
Rien qu'un dessin fort p鈒e, aux trois crayons,
Qui, comme moi, meurt dans la solitude,
Et que le Temps, injurieux vieillard,
Chaque jour frotte avec son aile rude...
Noir assassin de la Vie et de l'Art,
Tu ne tueras jamais dans ma m閙oire
Celle qui fut mon plaisir et ma gloire!
Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux 閜oques lointaines,
Et fait r陃er un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favoris� par un grand aquilon,
Ta m閙oire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu'un tympanon,
Et par un fraternel et mystique cha頽on
Reste comme pendue � mes rimes hautaines;
Etre maudit � qui, de l'ab頼e profond
Jusqu'au plus haut du ciel, rien, hors moi, ne r閜ond!
- O toi qui, comme une ombre � la trace 閜h閙鑢e,
Foules d'un pied l間er et d'un regard serein
Les stupides mortels qui t'ont jug閑 am鑢e,
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d'airain!
"D'o� vous vient, disiez-vous, cette tristesse 閠range,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu?"
- Quand notre coeur a fait une fois sa vendange
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,
Une douleur tr鑣 simple et non myst閞ieuse
Et, comme votre joie, 閏latante pour tous.
Cessez donc de chercher, � belle curieuse!
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous!
Taisez-vous, ignorante! 鈓e toujours ravie!
Bouche au rire enfantin! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.
Laissez, laissez mon coeur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe
Et sommeiller longtemps � l'ombre de vos cils!
Le D閙on, dans ma chambre haute
Ce matin est venu me voir,
Et, t鈉hant � me prendre en faute
Me dit: "Je voudrais bien savoir
Parmi toutes les belles choses
Dont est fait son enchantement,
Parmi les objets noirs ou roses
Qui composent son corps charmant,
Quel est le plus doux."- O mon 鈓e!
Tu r閜ondis � l'Abhorr�:
"Puisqu'en Elle tout est dictame
Rien ne peut 阾re pr閒閞�.
Lorsque tout me ravit, j'ignore
Si quelque chose me s閐uit.
Elle 閎louit comme l'Aurore
Et console comme la Nuit;
Et l'harmonie est trop exquise,
Qui gouverne tout son beau corps,
Pour que l'impuissante analyse
En note les nombreux accords.
O m閠amorphose mystique
De tous mes sens fondus en un!
Son haleine fait la musique,
Comme sa voix fait le parfum!"
Que diras-tu ce soir, pauvre 鈓e solitaire,
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois fl閠ri,
A la tr鑣 belle, � la tr鑣 bonne, � la tr鑣 ch鑢e,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri?
- Nous mettrons notre orgueil � chanter ses louanges:
Rien ne vaut la douceur de son autorit�
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges
Et son oeil nous rev阾 d'un habit de clart�.
Que ce soit dans la nuit et dans la solitude
Que ce soit dans la rue et dans la multitude
Son fant鬽e dans l'air danse comme un flambeau.
Parfois il parle et dit: "Je suis belle, et j'ordonne
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le Beau;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone."
Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumi鑢es,
Qu'un Ange tr鑣 savant a sans doute aimant閟
Ils marchent, ces divins fr鑢es qui sont mes fr鑢es,
Secouant dans mes yeux leurs feux diamant閟.
Me sauvant de tout pi鑗e et de tout p閏h� grave,
Ils conduisent mes pas dans la route du Beau
Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave
Tout mon 阾re ob閕t � ce vivant flambeau.
Charmants Yeux, vous brillez de la clart� mystique
Qu'ont les cierges br鹟ant en plein jour; le soleil
Rougit, mais n'閠eint pas leur flamme fantastique;
Ils c閘鑒rent la Mort, vous chantez le R関eil
Vous marchez en chantant le r関eil de mon 鈓e,
Astres dont nul soleil ne peut fl閠rir la flamme!
Ange plein de gaiet�, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse?
Ange plein de gaiet�, connaissez-vous l'angoisse?
Ange plein de bont�, connaissez-vous la haine,
Les poings crisp閟 dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facult閟 se fait le capitaine?
Ange plein de bont� connaissez-vous la haine?
Ange plein de sant�, connaissez-vous les Fi鑦res,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exil閟, s'en vont d'un pied tra頽ard,
Cherchant le soleil rare et remuant les l鑦res?
Ange plein de sant�, connaissez-vous les Fi鑦res?
Ange plein de beaut�, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secr鑤e horreur du d関ouement
Dans des yeux o� longtemps burent nos yeux avides!
Ange plein de beaut�, connaissez-vous les rides?
Ange plein de bonheur, de joie et de lumi鑢es,
David mourant aurait demand� la sant�
Aux 閙anations de ton corps enchant�;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes pri鑢es,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumi鑢es!
Une fois, une seule, aimable et douce femme,
A mon bras votre bras poli
S'appuya (sur le fond t閚閎reux de mon 鈓e
Ce souvenir n'est point p鈒i);
II 閠ait tard; ainsi qu'une m閐aille neuve
La pleine lune s'閠alait,
Et la solennit� de la nuit, comme un fleuve,
Sur Paris dormant ruisselait.
Et le long des maisons, sous les portes coch鑢es,
Des chats passaient furtivement
L'oreille au guet, ou bien, comme des ombres ch鑢es,
Nous accompagnaient lentement.
Tout � coup, au milieu de l'intimit� libre
Eclose � la p鈒e clart�
De vous, riche et sonore instrument o� ne vibre
Que la radieuse gaiet�,
De vous, claire et joyeuse ainsi qu'une fanfare
Dans le matin 閠incelant
Une note plaintive, une note bizarre
S'閏happa, tout en chancelant
Comme une enfant ch閠ive, horrible, sombre, immonde,
Dont sa famille rougirait,
Et qu'elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,
Dans un caveau mise au secret.
Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde:
"Que rien ici-bas n'est certain,
Et que toujours, avec quelque soin qu'il se farde,
Se trahit l'間o飐me humain;
Que c'est un dur m閠ier que d'阾re belle femme,
Et que c'est le travail banal
De la danseuse folle et froide qui se p鈓e
Dans son sourire machinal;
Que b鈚ir sur les coeurs est une chose sotte;
Que tout craque, amour et beaut�,
Jusqu'� ce que l'Oubli les jette dans sa hotte
Pour les rendre � l'Eternit�!"
J'ai souvent 関oqu� cette lune enchant閑,
Ce silence et cette langueur,
Et cette confidence horrible chuchot閑
Au confessionnal du coeur.
Quand chez les d閎auch閟 l'aube blanche et vermeille
Entre en soci閠� de l'Id閍l rongeur,
Par l'op閞ation d'un myst鑢e vengeur
Dans la brute assoupie un ange se r関eille.
Des Cieux Spirituels l'inaccessible azur,
Pour l'homme terrass� qui r陃e encore et souffre,
S'ouvre et s'enfonce avec l'attirance du gouffre.
Ainsi, ch鑢e D閑sse, Etre lucide et pur,
Sur les d閎ris fumeux des stupides orgies
Ton souvenir plus clair, plus rose, plus charmant,
A mes yeux agrandis voltige incessamment.
Le soleil a noirci la flamme des bougies;
Ainsi, toujours vainqueur, ton fant鬽e est pareil,
Ame resplendissante, � l'immortel soleil!
Voici venir les temps o� vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'関apore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse m閘ancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'関apore ainsi qu'un encensoir;
Le violon fr閙it comme un coeur qu'on afflige;
Valse m閘ancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon fr閙it comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le n閍nt vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noy� dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le n閍nt vaste et noir,
Du pass� lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noy� dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
II est de forts parfums pour qui toute mati鑢e
Est poreuse. On dirait qu'ils p閚鑤rent le verre.
En ouvrant un coffret venu de l'Orient
Dont la serrure grince et rechigne en criant,
Ou dans une maison d閟erte quelque armoire
Pleine de l'鈉re odeur des temps, poudreuse et noire,
Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient,
D'o� jaillit toute vive une 鈓e qui revient.
Mille pensers dormaient, chrysalides fun鑒res,
Fr閙issant doucement dans les lourdes t閚鑒res,
Qui d間agent leur aile et prennent leur essor,
Teint閟 d'azur, glac閟 de rose, lam閟 d'or.
Voil� le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troubl�; les yeux se ferment; le Vertige
Saisit l'鈓e vaincue et la pousse � deux mains
Vers un gouffre obscurci de miasmes humains;
II la terrasse au bord d'un gouffre s閏ulaire,
O�, Lazare odorant d閏hirant son suaire,
Se meut dans son r関eil le cadavre spectral
D'un vieil amour ranci, charmant et s閜ulcral.
Ainsi, quand je serai perdu dans la m閙oire
Des hommes, dans le coin d'une sinistre armoire
Quand on m'aura jet�, vieux flacon d閟ol�,
D閏r閜it, poudreux, sale, abject, visqueux, f阬�,
Je serai ton cercueil, aimable pestilence!
Le t閙oin de ta force et de ta virulence,
Cher poison pr閜ar� par les anges! liqueur
Qui me ronge, � la vie et la mort de mon coeur!
Le vin sait rev阾ir le plus sordide bouge
D'un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
Dans l'or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel n閎uleux.
L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,
Allonge l'illimit�,
Approfondit le temps, creuse la volupt�,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l'鈓e au del� de sa capacit�.
Tout cela ne vaut pas le poison qui d閏oule
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs o� mon 鈓e tremble et se voit � l'envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se d閟alt閞er � ces gouffres amers.
Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l'oubli mon 鈓e sans remords,
Et charriant le vertige,
La roule d閒aillante aux rives de la mort!
On dirait ton regard d'une vapeur couvert;
Ton oeil myst閞ieux (est-il bleu, gris ou vert?)
Alternativement tendre, r陃eur, cruel,
R閒l閏hit l'indolence et la p鈒eur du ciel.
Tu rappelles ces jours blancs, ti鑔es et voil閟,
Qui font se fondre en pleurs les coeurs ensorcel閟,
Quand, agit閟 d'un mal inconnu qui les tord,
Les nerfs trop 関eill閟 raillent l'esprit qui dort.
Tu ressembles parfois � ces beaux horizons
Qu'allument les soleils des brumeuses saisons...
Comme tu resplendis, paysage mouill�
Qu'enflamment les rayons tombant d'un ciel brouill�!
O femme dangereuse, � s閐uisants climats!
Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas,
Et saurai-je tirer de l'implacable hiver
Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer?
I
Dans ma cervelle se prom鑞e,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend � peine,
Tant son timbre est tendre et discret;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est l� son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus t閚閎reux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me r閖ouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat myst閞ieux,
Chat s閞aphique, chat 閠range,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux!
II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaum�, pour l'avoir
Caress閑 une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il pr閟ide, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-阾re est-il f閑, est-il dieu?
Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tir閟 comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-m阭e,
Je vois avec 閠onnement
Le feu de ses prunelles p鈒es,
Clairs fanaux, vivantes opales
Qui me contemplent fixement.
Je veux te raconter, � molle enchanteresse!
Les diverses beaut閟 qui parent ta jeunesse;
Je veux te peindre ta beaut�,
O� l'enfance s'allie � la maturit�.
Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,
Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,
Charg� de toile, et va roulant
Suivant un rhythme doux, et paresseux, et lent.
Sur ton cou large et rond, sur tes 閜aules grasses,
Ta t阾e se pavane avec d'閠ranges gr鈉es;
D'un air placide et triomphant
Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.
Je veux te raconter, � molle enchanteresse!
Les diverses beaut閟 qui parent ta jeunesse;
Je veux te peindre ta beaut�,
O� l'enfance s'allie � la maturit�.
Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire,
Ta gorge triomphante est une belle armoire
Dont les panneaux bomb閟 et clairs
Comme les boucliers accrochent des 閏lairs;
Boucliers provoquants, arm閟 de pointes roses!
Armoire � doux secrets, pleine de bonnes choses,
De vins, de parfums, de liqueurs
Qui feraient d閘irer les cerveaux et les coeurs!
Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large
Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,
Charg� de toile, et va roulant
Suivant un rhythme doux, et paresseux, et lent.
Tes nobles jambes, sous les volants qu'elles chassent,
Tourmentent les d閟irs obscurs et les agacent,
Comme deux sorci鑢es qui font
Tourner un philtre noir dans un vase profond.
Tes bras, qui se joueraient des pr閏oces hercules,
Sont des boas luisants les solides 閙ules,
Faits pour serrer obstin閙ent,
Comme pour l'imprimer dans ton coeur, ton amant.
Sur ton cou large et rond, sur tes 閜aules grasses,
Ta t阾e se pavane avec d'閠ranges gr鈉es;
D'un air placide et triomphant
Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.
Mon enfant, ma soeur,
Songe � la douceur
D'aller l�-bas
vivre ensemble!
Aimer � loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouill閟
De ces ciels brouill閟
Pour mon esprit ont les charmes
Si myst閞ieux
De tes tra顃res yeux,
Brillant � travers leurs larmes.
L�, tout n'est qu'ordre et beaut�,
Luxe, calme et volupt�.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
D閏oreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
M阬ant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
A l'鈓e en secret
Sa douce langue natale.
L�, tout n'est qu'ordre et beaut�,
Luxe, calme et volupt�.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre d閟ir
Qu'ils viennent du bout du monde.
Les soleils couchants
Rev阾ent les champs,
Les canaux, la ville enti鑢e,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumi鑢e.
L�, tout n'est qu'ordre et beaut�,
Luxe, calme et volupt�.
Pouvons-nous 閠ouffer le vieux, le long Remords,
Qui vit, s'agite et se tortille
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du ch阯e la chenille?
Pouvons-nous 閠ouffer l'implacable Remords?
Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
Noierons-nous ce vieil ennemi,
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
Patient comme la fourmi?
Dans quel philtre? - dans quel vin? - dans quelle tisane?
Dis-le, belle sorci鑢e, oh! dis, si tu le sais,
A cet esprit combl� d'angoisse
Et pareil au mourant qu'閏rasent les bless閟,
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorci鑢e, oh! dis, si tu le sais,
A cet agonisant que le loup d閖� flaire
Et que surveille le corbeau,
A ce soldat bris�! s'il faut qu'il d閟esp鑢e
D'avoir sa croix et son tombeau;
Ce pauvre agonisant que d閖� le loup flaire!
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?
Peut-on d閏hirer des t閚鑒res
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans 閏lairs fun鑒res?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?
L'Esp閞ance qui brille aux carreaux de l'Auberge
Est souffl閑, est morte � jamais!
Sans lune et sans rayons, trouver o� l'on h閎erge
Les martyrs d'un chemin mauvais!
Le Diable a tout 閠eint aux carreaux de l'Auberge!
Adorable sorci鑢e, aimes-tu les damn閟?
Dis, connais-tu l'irr閙issible?
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonn閟,
A qui notre coeur sert de cible?
Adorable sorci鑢e, aimes-tu les damn閟?
L'Irr閜arable ronge avec sa dent maudite
Notre 鈓e, piteux monument,
Et souvent il attaque ainsi que le termite,
Par la base le b鈚iment.
L'Irr閜arable ronge avec sa dent maudite!
- J'ai vu parfois, au fond d'un th殁tre banal
Qu'enflammait l'orchestre sonore,
Une f閑 allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore;
J'ai vu parfois au fond d'un th殁tre banal
Un 阾re, qui n'閠ait que lumi鑢e, or et gaze,
Terrasser l'閚orme Satan;
Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase,
Est un th殁tre o� l'on attend
Toujours. toujours en vain, l'Etre aux ailes de gaze!
Vous 阾es un beau ciel d'automne, clair et rose!
Mais la tristesse en moi monte comme la mer,
Et laisse, en refluant, sur ma l鑦re morose
Le souvenir cuisant de son limon amer.
- Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se p鈓e;
Ce qu'elle cherche, amie, est un lieu saccag�
Par la griffe et la dent f閞oce de la femme.
Ne cherchez plus mon coeur; les b阾es l'ont mang�.
Mon coeur est un palais fl閠ri par la cohue;
On s'y so鹟e, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux!
- Un parfum nage autour de votre gorge nue!...
O Beaut�, dur fl閍u des 鈓es, tu le veux!
Avec tes yeux de feu, brillants comme des f阾es,
Calcine ces lambeaux qu'ont 閜argn閟 les b阾es!
I
Bient魌 nous plongerons dans les froides t閚鑒res;
Adieu, vive clart� de nos 閠閟 trop courts!
J'entends d閖� tomber avec des chocs fun鑒res
Le bois retentissant sur le pav� des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon 阾re: col鑢e,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forc�,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glac�.
J'閏oute en fr閙issant chaque b鹀he qui tombe
L'閏hafaud qu'on b鈚it n'a pas d'閏ho plus sourd.
Mon esprit est pareil � la tour qui succombe
Sous les coups du b閘ier infatigable et lourd.
II me semble, berc� par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande h鈚e un cercueil quelque part.
Pour qui? - C'閠ait hier l'閠�; voici l'automne!
Ce bruit myst閞ieux sonne comme un d閜art.
II
J'aime de vos longs yeux la lumi鑢e verd鈚re,
Douce beaut�, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'鈚re,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez m鑢e,
M阭e pour un ingrat, m阭e pour un m閏hant;
Amante ou soeur, soyez la douceur 閜h閙鑢e
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.
Courte t鈉he! La tombe attend - elle est avide!
Ah! laissez-moi, mon front pos� sur vos genoux,
Go鹴er, en regrettant l'閠� blanc et torride,
De l'arri鑢e-saison le rayon jaune et doux!
Ex-voto dans le go鹴 espagnol
Je veux b鈚ir pour toi, Madone, ma ma顃resse,
Un autel souterrain au fond de ma d閠resse,
Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
Loin du d閟ir mondain et du regard moqueur,
Une niche, d'azur et d'or tout 閙aill閑,
O� tu te dresseras, Statue 閙erveill閑.
Avec mes Vers polis, treillis d'un pur m閠al
Savamment constell� de rimes de cristal
Je ferai pour ta t阾e une 閚orme Couronne;
Et dans ma Jalousie, � mortelle Madone
Je saurai te tailler un Manteau, de fa鏾n
Barbare, roide et lourd, et doubl� de soup鏾n,
Qui, comme une gu閞ite, enfermera tes charmes,
Non de Perles brod�, mais de toutes mes Larmes!
Ta Robe, ce sera mon D閟ir, fr閙issant,
Onduleux, mon D閟ir qui monte et qui descend,
Aux pointes se balance, aux vallons se repose,
Et rev阾 d'un baiser tout ton corps blanc et rose.
Je te ferai de mon Respect de beaux Souliers
De satin, par tes pieds divins humili閟,
Qui, les emprisonnant dans une molle 閠reinte
Comme un moule fid鑜e en garderont l'empreinte.
Si je ne puis, malgr� tout mon art diligent
Pour Marchepied tailler une Lune d'argent
Je mettrai le Serpent qui me mord les entrailles
Sous tes talons, afin que tu foules et railles
Reine victorieuse et f閏onde en rachats
Ce monstre tout gonfl� de haine et de crachats.
Tu verras mes Pensers, rang閟 comme les Cierges
Devant l'autel fleuri de la Reine des Vierges
Etoilant de reflets le plafond peint en bleu,
Te regarder toujours avec des yeux de feu;
Et comme tout en moi te ch閞it et t'admire,
Tout se fera Benjoin, Encens, Oliban, Myrrhe,
Et sans cesse vers toi, sommet blanc et neigeux,
En Vapeurs montera mon Esprit orageux.
Enfin, pour compl閠er ton r鬺e de Marie,
Et pour m阬er l'amour avec la barbarie,
Volupt� noire! des sept P閏h閟 capitaux,
Bourreau plein de remords, je ferai sept Couteaux
Bien affil閟, et comme un jongleur insensible,
Prenant le plus profond de ton amour pour cible,
Je les planterai tous dans ton Coeur pantelant,
Dans ton Coeur sanglotant, dans ton Coeur ruisselant!
Quoique tes sourcils m閏hants
Te donnent un air 閠range
Qui n'est pas celui d'un ange,
Sorci鑢e aux yeux all閏hants,
Je t'adore, � ma frivole,
Ma terrible passion!
Avec la d関otion
Du pr阾re pour son idole.
Le d閟ert et la for阾
Embaument tes tresses rudes,
Ta t阾e a les attitudes
De l'閚igme et du secret.
Sur ta chair le parfum r鬱e
Comme autour d'un encensoir;
Tu charmes comme le soir
Nymphe t閚閎reuse et chaude.
Ah! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Ou fait revivre les morts!
Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.
Quelquefois, pour apaiser
Ta rage myst閞ieuse,
Tu prodigues, s閞ieuse,
La morsure et le baiser;
Tu me d閏hires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon coeur
Ton oeil doux comme la lune.
Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie
Moi, je mets ma grande joie,
Mon g閚ie et mon destin,
Mon 鈓e par toi gu閞ie,
Par toi, lumi鑢e et couleur!
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sib閞ie!
Imaginez Diane en galant 閝uipage,
Parcourant les for阾s ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s'enivrant de tapage,
Superbe et d閒iant les meilleurs cavaliers!
Avez-vous vu Th閞oigne, amante du carnage,
Excitant � l'assaut un peuple sans souliers,
La joue et l'oeil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers?
Telle la Sisina! Mais la douce guerri鑢e
A l'鈓e charitable autant que meurtri鑢e;
Son courage, affol� de poudre et de tambours,
Devant les suppliants sait mettre bas les armes,
Et son coeur, ravag� par la flamme, a toujours,
Pour qui s'en montre digne, un r閟ervoir de larmes.
Novis te cantabo chordis,
O novelletum quod ludis
In solitudine cordis.
Esto sertis implicata,
O femina delicata
Per quam solvuntur peccata!
Sicut beneficum Lethe,
Hauriam oscula de te,
Quae imbuta es magnete.
Quum vitiorum tempegtas
Turbabat omnes semitas,
Apparuisti, Deitas,
Velut stella salutaris
In naufragiis amaris.....
Suspendam cor tuis aris!
Piscina plena virtutis,
Fons 鎡ern� juventutis
Labris vocem redde mutis!
Quod erat spurcum, cremasti;
Quod rudius, exaequasti;
Quod debile, confirmasti.
In fame mea taberna
In nocte mea lucerna,
Recte me semper guberna.
Adde nunc vires viribus,
Dulce balneum suavibus
Unguentatum odoribus!
Meos circa lumbos mica,
O castitatis lorica,
Aqua tincta seraphica;
Patera gemmis corusca,
Panis salsus, mollis esca,
Divinum vinum, Francisca!
Au pays parfum� que le soleil caresse,
J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourpr閟
Et de palmiers d'o� pleut sur les yeux la paresse,
Une dame cr閛le aux charmes ignor閟.
Son teint est p鈒e et chaud; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement mani閞閟;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assur閟.
Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d'orner les antiques manoirs,
Vous feriez, � l'abri des ombreuses retraites
Germer mille sonnets dans le coeur des po鑤es,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.
Dis-moi ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
Loin du noir oc閍n de l'immonde cit�
Vers un autre oc閍n o� la splendeur 閏late,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginit�?
Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe?
La mer la vaste mer, console nos labeurs!
Quel d閙on a dot� la mer, rauque chanteuse
Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs,
De cette fonction sublime de berceuse?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs!
Emporte-moi wagon! enl鑦e-moi, fr間ate!
Loin! loin! ici la boue est faite de nos pleurs!
- Est-il vrai que parfois le triste coeur d'Agathe
Dise: Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enl鑦e-moi, fr間ate?
Comme vous 阾es loin, paradis parfum�,
O� sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie,
O� tout ce que l'on aime est digne d'阾re aim�,
O� dans la volupt� pure le coeur se noie!
Comme vous 阾es loin, paradis parfum�!
Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant derri鑢e les collines,
Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets,
- Mais le vert paradis des amours enfantines,
L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il d閖� plus loin que l'Inde et que la Chine?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l'animer encor d'une voix argentine,
L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?
Comme les anges � l'oeil fauve,
Je reviendrai dans ton alc魐e
Et vers toi glisserai sans bruit
Avec les ombres de la nuit;
Et je te donnerai, ma brune,
Des baisers froids comme la lune
Et des caresses de serpent
Autour d'une fosse rampant.
Quand viendra le matin livide,
Tu trouveras ma place vide,
O� jusqu'au soir il fera froid.
Comme d'autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse,
Moi, je veux r間ner par l'effroi.
Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal:
"Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon m閞ite?"
- Sois charmante et tais-toi! Mon coeur, que tout irrite,
Except� la candeur de l'antique animal,
Ne veut pas te montrer son secret infernal,
Berceuse dont la main aux longs sommeils m'invite,
Ni sa noire l間ende avec la flamme 閏rite.
Je hais la passion et l'esprit me fait mal!
Aimons-nous doucement. L'Amour dans sa gu閞ite,
T閚閎reux, embusqu�, bande son arc fatal.
Je connais les engins de son vieil arsenal:
Crime, horreur et folie! - O p鈒e marguerite!
Comme moi n'es-tu pas un soleil automnal,
O ma si blanche, � ma si froide Marguerite?
Ce soir, la lune r陃e avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beaut�, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et l間鑢e caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satin� des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues p鈓oisons,
Et prom鑞e ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un po鑤e pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme p鈒e,
Aux reflets iris閟 comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.
Les amoureux fervents et les savants aust鑢es
Aiment 間alement, dans leur m鹯e saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux s閐entaires.
Amis de la science et de la volupt�
Ils cherchent le silence et l'horreur des t閚鑒res;
L'Er鑒e les e鹴 pris pour ses coursiers fun鑒res,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fiert�.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allong閟 au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un r陃e sans fin;
Leurs reins f閏onds sont pleins d'閠incelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Sous les ifs noirs qui les abritent
Les hiboux se tiennent rang閟
Ainsi que des dieux 閠rangers
Dardant leur oeil rouge. Ils m閐itent.
Sans remuer ils se tiendront
Jusqu'� l'heure m閘ancolique
O�, poussant le soleil oblique,
Les t閚鑒res s'閠abliront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement;
L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le ch鈚iment
D'avoir voulu changer de place.
Je suis la pipe d'un auteur;
On voit, � contempler ma mine
D'Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon ma顃re est un grand fumeur.
Quand il est combl� de douleur,
Je fume comme la chaumine
O� se pr閜are la cuisine
Pour le retour du laboureur.
J'enlace et je berce son 鈓e
Dans le r閟eau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu,
Et je roule un puissant dictame
Qui charme son coeur et gu閞it
De ses fatigues son esprit.
La musique souvent me prend comme une mer!
Vers ma p鈒e 閠oile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste 閠her,
Je mets � la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonfl閟
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncel閟
Que la nuit me voile;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre;
Le bon vent, la temp阾e et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon d閟espoir!
Si par une nuit lourde et sombre
Un bon chr閠ien, par charit�,
Derri鑢e quelque vieux d閏ombre
Enterre votre corps vant�,
A l'heure o� les chastes 閠oiles
Ferment leurs yeux appesantis,
L'araign閑 y fera ses toiles,
Et la vip鑢e ses petits;
Vous entendrez toute l'ann閑
Sur votre t阾e condamn閑
Les cris lamentables des loups
Et des sorci鑢es fam閘iques,
Les 閎ats des vieillards lubriques
Et les complots des noirs filous.
LXXI - Une gravure fantastique
Ce spectre singulier n'a pour toute toilette,
Grotesquement camp� sur son front de squelette,
Qu'un diad鑝e affreux sentant le carnaval.
Sans 閜erons, sans fouet, il essouffle un cheval,
Fant鬽e comme lui, rosse apocalyptique,
Qui bave des naseaux comme un 閜ileptique.
Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux,
Et foulent l'infini d'un sabot hasardeux.
Le cavalier prom鑞e un sabre qui flamboie
Sur les foules sans nom que sa monture broie,
Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison,
Le cimeti鑢e immense et froid, sans horizon,
O� gisent, aux lueurs d'un soleil blanc et terne,
Les peuples de l'histoire ancienne et moderne.
Dans une terre grasse et pleine d'escargots
Je veux creuser moi-m阭e une fosse profonde,
O� je puisse � loisir 閠aler mes vieux os
Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux;
Plut魌 que d'implorer une larme du monde,
Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
O vers! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir � vous un mort libre et joyeux;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans 鈓e et mort parmi les morts!
LXXIII - Le Tonneau de la Haine
La Haine est le tonneau des p鈒es Dana飀es;
La Vengeance 閜erdue aux bras rouges et forts
A beau pr閏ipiter dans ses t閚鑒res vides
De grands seaux pleins du sang et des larmes des morts,
Le D閙on fait des trous secrets � ces ab頼es,
Par o� fuiraient mille ans de sueurs et d'efforts,
Quand m阭e elle saurait ranimer ses victimes,
Et pour les pressurer ressusciter leurs corps.
La Haine est un ivrogne au fond d'une taverne,
Qui sent toujours la soif na顃re de la liqueur
Et se multiplier comme l'hydre de Lerne.
- Mais les buveurs heureux connaissent leur vainqueur,
Et la Haine est vou閑 � ce sort lamentable
De ne pouvoir jamais s'endormir sous la table.
II est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
D'閏outer, pr鑣 du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s'閘ever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgr� sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fid鑜ement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!
Moi, mon 鈓e est f阬閑, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
II arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le r鈒e 閜ais d'un bless� qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.
Pluvi魋e, irrit� contre la ville enti鑢e,
De son urne � grands flots verse un froid t閚閎reux
Aux p鈒es habitants du voisin cimeti鑢e
Et la mortalit� sur les faubourgs brumeux.
Mon chat sur le carreau cherchant une liti鑢e
Agite sans repos son corps maigre et galeux;
L'鈓e d'un vieux po鑤e erre dans la goutti鑢e
Avec la triste voix d'un fant鬽e frileux.
Le bourdon se lamente, et la b鹀he enfum閑
Accompagne en fausset la pendule enrhum閑
Cependant qu'en un jeu plein de sales parfums,
H閞itage fatal d'une vieille hydropique,
Le beau valet de coeur et la dame de pique
Causent sinistrement de leurs amours d閒unts.
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.
Un gros meuble � tiroirs encombr� de bilans,
De vers, de billets doux, de proc鑣, de romances,
Avec de lourds cheveux roul閟 dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C'est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
- Je suis un cimeti鑢e abhorr� de la lune,
O� comme des remords se tra頽ent de longs vers
Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fan閑s,
O� g顃 tout un fouillis de modes surann閑s,
O� les pastels plaintifs et les p鈒es Boucher
Seuls, respirent l'odeur d'un flacon d閎ouch�.
Rien n'間ale en longueur les boiteuses journ閑s,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses ann閑s
L'ennui, fruit de la morne incuriosit�,
Prend les proportions de l'immortalit�.
- D閟ormais tu n'es plus, � mati鑢e vivante!
Qu'un granit entour� d'une vague 閜ouvante,
Assoupi dans le fond d'un Sahara brumeux;
Un vieux sphinx ignor� du monde insoucieux,
Oubli� sur la carte, et dont l'humeur farouche
Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.
Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,
Riche, mais impuissant, jeune et pourtant tr鑣 vieux,
Qui, de ses pr閏epteurs m閜risant les courbettes,
S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres b阾es.
Rien ne peut l'間ayer, ni gibier, ni faucon,
Ni son peuple mourant en face du balcon.
Du bouffon favori la grotesque ballade
Ne distrait plus le front de ce cruel malade;
Son lit fleurdelis� se transforme en tombeau,
Et les dames d'atour, pour qui tout prince est beau,
Ne savent plus trouver d'impudique toilette
Pour tirer un souris de ce jeune squelette.
Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu
De son 阾re extirper l'閘閙ent corrompu,
Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent,
Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent,
II n'a su r閏hauffer ce cadavre h閎閠�
O� coule au lieu de sang l'eau verte du L閠h�
Quand le ciel bas et lourd p鑣e comme un couvercle
Sur l'esprit g閙issant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est chang閑 en un cachot humide,
O� l'Esp閞ance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la t阾e � des plafonds pourris;
Quand la pluie 閠alant ses immenses tra頽閑s
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'inf鈓es araign閑s
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout � coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent � geindre opini鈚rement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
D閒ilent lentement dans mon 鈓e; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon cr鈔e inclin� plante son drapeau noir.
Grands bois, vous m'effrayez comme des cath閐rales;
Vous hurlez comme l'orgue; et dans nos coeurs maudits,
Chambres d'閠ernel deuil o� vibrent de vieux r鈒es,
R閜ondent les 閏hos de vos De profundis.
Je te hais, Oc閍n! tes bonds et tes tumultes,
Mon esprit les retrouve en lui; ce rire amer
De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes,
Je l'entends dans le rire 閚orme de la mer
Comme tu me plairais, � nuit! sans ces 閠oiles
Dont la lumi鑢e parle un langage connu!
Car je cherche le vide, et le noir, et le nu!
Mais les t閚鑒res sont elles-m阭es des toiles
O� vivent, jaillissant de mon oeil par milliers,
Des 阾res disparus aux regards familiers.
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'閜eron attisait ton ardeur,
Ne veut plus t'enfourcher! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied � chaque obstacle butte.
R閟igne-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute.
Esprit vaincu, fourbu! Pour toi, vieux maraudeur,
L'amour n'a plus de go鹴, non plus que la dispute;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la fl鹴e!
Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur!
Le Printemps adorable a perdu son odeur!
Et le Temps m'engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de roideur;
- Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur
Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute.
Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute?
LXXXI - Alchimie de la Douleur
L'un t'閏laire avec son ardeur,
L'autre en toi met son deuil, Nature!
Ce qui dit � l'un: S閜ulture!
Dit � l'autre: Vie et splendeur!
Herm鑣 inconnu qui m'assistes
Et qui toujours m'intimidas,
Tu me rends l'間al de Midas,
Le plus triste des alchimistes;
Par toi je change l'or en fer
Et le paradis en enfer;
Dans le suaire des nuages
Je d閏ouvre un cadavre cher,
Et sur les c閘estes rivages
Je b鈚is de grands sarcophages.
De ce ciel bizarre et livide,
Tourment� comme ton destin,
Quels pensers dans ton 鈓e vide
Descendent? r閜onds, libertin.
- Insatiablement avide
De l'obscur et de l'incertain,
Je ne geindrai pas comme Ovide
Chass� du paradis latin.
Cieux d閏hir閟 comme des gr鑦es
En vous se mire mon orgueil;
Vos vastes nuages en deuil
Sont les corbillards de mes r陃es,
Et vos lueurs sont le reflet
De l'Enfer o� mon coeur se pla顃.
A J.G.F.
Je te frapperai sans col鑢e
Et sans haine, comme un boucher,
Comme Mo飐e le rocher
Et je ferai de ta paupi鑢e,
Pour abreuver mon Saharah
Jaillir les eaux de la souffrance.
Mon d閟ir gonfl� d'esp閞ance
Sur tes pleurs sal閟 nagera
Comme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon coeur qu'ils so鹟eront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge!
Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Gr鈉e � la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord
Elle est dans ma voix, la criarde!
C'est tout mon sang ce poison noir!
Je suis le sinistre miroir
O� la m間鑢e se regarde.
Je suis la plaie et le couteau!
Je suis le soufflet et la joue!
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau!
Je suis de mon coeur le vampire,
- Un de ces grands abandonn閟
Au rire 閠ernel condamn閟
Et qui ne peuvent plus sourire!
I
Une Id閑, une Forme, un Etre
Parti de l'azur et tomb�
Dans un Styx bourbeux et plomb�
O� nul oeil du Ciel ne p閚鑤re;
Un Ange, imprudent voyageur
Qu'a tent� l'amour du difforme,
Au fond d'un cauchemar 閚orme
Se d閎attant comme un nageur,
Et luttant, angoisses fun鑒res!
Contre un gigantesque remous
Qui va chantant comme les fous
Et pirouettant dans les t閚鑒res;
Un malheureux ensorcel�
Dans ses t鈚onnements futiles
Pour fuir d'un lieu plein de reptiles,
Cherchant la lumi鑢e et la cl�;
Un damn� descendant sans lampe
Au bord d'un gouffre dont l'odeur
Trahit l'humide profondeur
D'閠ernels escaliers sans rampe,
O� veillent des monstres visqueux
Dont les larges yeux de phosphore
Font une nuit plus noire encore
Et ne rendent visibles qu'eux;
Un navire pris dans le p鬺e
Comme en un pi鑗e de cristal,
Cherchant par quel d閠roit fatal
Il est tomb� dans cette ge鬺e;
- Embl鑝es nets, tableau parfait
D'une fortune irr閙閐iable
Qui donne � penser que le Diable
Fait toujours bien tout ce qu'il fait!
II
T阾e-�-t阾e sombre et limpide
Qu'un coeur devenu son miroir!
Puits de V閞it�, clair et noir
O� tremble une 閠oile livide,
Un phare ironique, infernal
Flambeau des gr鈉es sataniques,
Soulagement et gloire uniques,
- La conscience dans le Mal!
Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi!
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bient魌 comme dans une cible;
Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse;
Chaque instant te d関ore un morceau du d閘ice
A chaque homme accord� pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois,
Et j'ai pomp� ta vie avec ma trompe immonde!
Remember! Souviens-toi! prodigue! Esto memor!
(Mon gosier de m閠al parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel fol鈚re, sont des gangues
Qu'il ne faut pas l鈉her sans en extraire l'or!
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, � tout coup! c'est la loi.
Le jour d閏ro顃; la nuit augmente; souviens-toi!
Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.
Tant魌 sonnera l'heure o� le divin Hasard,
O� l'auguste Vertu, ton 閜ouse encor vierge,
O� le Repentir m阭e (oh! la derni鑢e auberge!),
O� tout te dira Meurs, vieux l鈉he! il est trop tard!"
TABLEAUX PARISIENS
Je veux, pour composer chastement mes 間logues,
Coucher aupr鑣 du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers 閏outer en r陃ant
Leurs hymnes solennels emport閟 par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde;
Les tuyaux, les clochers, ces m鈚s de la cit�,
Et les grands ciels qui font r陃er d'閠ernit�.
II est doux, � travers les brumes, de voir na顃re
L'閠oile dans l'azur, la lampe � la fen阾re
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son p鈒e enchantement.
Je verrai les printemps, les 閠閟, les automnes;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout porti鑢es et volets
Pour b鈚ir dans la nuit mes f閑riques palais.
Alors je r陃erai des horizons bleu鈚res,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les alb鈚res,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
L'Emeute, temp阾ant vainement � ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre;
Car je serai plong� dans cette volupt�
D'関oquer le Printemps avec ma volont�,
De tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De mes pensers br鹟ants une ti鑔e atmosph鑢e.
Le long du vieux faubourg, o� pendent aux masures
Les persiennes, abri des s閏r鑤es luxures,
Quand le soleil cruel frappe � traits redoubl閟
Sur la ville et les champs, sur les toits et les bl閟,
Je vais m'exercer seul � ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Tr閎uchant sur les mots comme sur les pav閟
Heurtant parfois des vers depuis longtemps r陃閟.
Ce p鑢e nourricier, ennemi des chloroses,
Eveille dans les champs les vers comme les roses;
II fait s'関aporer les soucis vers le ciel,
Et remplit les cerveaux et les ruches le miel.
C'est lui qui rajeunit les porteurs de b閝uilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
Et commande aux moissons de cro顃re et de m鹯ir
Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir!
Quand, ainsi qu'un po鑤e, il descend dans les villes,
II ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les h魀itaux et dans tous les palais.
LXXXVIII - A une Mendiante rousse
Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvret�
Et la beaut�,
Pour moi, po鑤e ch閠if,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.
Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.
Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Tra頽e � plis bruyants et longs
Sur tes talons;
En place de bas trou閟
Que pour les yeux des rou閟
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor;
Que des noeuds mal attach閟
D関oilent pour nos p閏h閟
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux;
Que pour te d閟habiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent � coups mutins
Les doigts lutins,
Perles de la plus belle eau,
Sonnets de ma顃re Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,
Valetaille de rimeurs
Te d閐iant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,
Maint page 閜ris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Epieraient pour le d閐uit
Ton frais r閐uit!
Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois!
- Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux d閎ris gisant
Au seuil de quelque V閒our
De carrefour;
Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh! Pardon!
Te faire don.
Va donc, sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudit�,
O ma beaut�!
A Victor Hugo
I
Andromaque, je pense � vous! Ce petit fleuve,
Pauvre et triste miroir o� jadis resplendit
L'immense majest� de vos douleurs de veuve,
Ce Simo飐 menteur qui par vos pleurs grandit,
A f閏ond� soudain ma m閙oire fertile,
Comme je traversais le nouveau Carrousel.
Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, h閘as! que le coeur d'un mortel);
Je ne vois qu'en esprit tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux 閎auch閟 et de f鹴s,
Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-�-brac confus.
L� s'閠alait jadis une m閚agerie;
L� je vis, un matin, � l'heure o� sous les cieux
Froids et clairs le Travail s'関eille, o� la voirie
Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,
Un cygne qui s'閠ait 関ad� de sa cage,
Et, de ses pieds palm閟 frottant le pav� sec,
Sur le sol raboteux tra頽ait son blanc plumage.
Pr鑣 d'un ruisseau sans eau la b阾e ouvrant le bec
Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
Et disait, le coeur plein de son beau lac natal:
"Eau, quand donc pleuvras-tu? quand tonneras-tu, foudre?"
Je vois ce malheureux, mythe 閠range et fatal,
Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur son cou convulsif tendant sa t阾e avide
Comme s'il adressait des reproches � Dieu!
II
Paris change! mais rien dans ma m閘ancolie
N'a boug�! palais neufs, 閏hafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient all間orie
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.
Aussi devant ce Louvre une image m'opprime:
Je pense � mon grand cygne, avec ses gestes fous,
Comme les exil閟, ridicule et sublime
Et rong� d'un d閟ir sans tr陃e! et puis � vous,
Andromaque, des bras d'un grand 閜oux tomb閑,
Vil b閠ail, sous la main du superbe Pyrrhus,
Aupr鑣 d'un tombeau vide en extase courb閑
Veuve d'Hector, h閘as! et femme d'H閘閚us!
Je pense � la n間resse, amaigrie et phtisique
Pi閠inant dans la boue, et cherchant, l'oeil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derri鑢e la muraille immense du brouillard;
A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais! � ceux qui s'abreuvent de pleurs
Et t鑤ent la Douleur comme une bonne louve!
Aux maigres orphelins s閏hant comme des fleurs!
Ainsi dans la for阾 o� mon esprit s'exile
Un vieux Souvenir sonne � plein souffle du cor!
Je pense aux matelots oubli閟 dans une 頻e,
Aux captifs, aux vaincus!... � bien d'autres encor!
A Victor Hugo
Fourmillante cit�, cit� pleine de r陃es,
O� le spectre en plein jour raccroche le passant!
Les myst鑢es partout coulent comme des s鑦es
Dans les canaux 閠roits du colosse puissant.
Un matin, cependant que dans la triste rue
Les maisons, dont la brume allongeait la hauteur,
Simulaient les deux quais d'une rivi鑢e accrue,
Et que, d閏or semblable � l'鈓e de l'acteur,
Un brouillard sale et jaune inondait tout l'espace,
Je suivais, roidissant mes nerfs comme un h閞os
Et discutant avec mon 鈓e d閖� lasse,
Le faubourg secou� par les lourds tombereaux.
Tout � coup, un vieillard dont les guenilles jaunes
Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,
Et dont l'aspect aurait fait pleuvoir les aum鬾es,
Sans la m閏hancet� qui luisait dans ses yeux,
M'apparut. On e鹴 dit sa prunelle tremp閑
Dans le fiel; son regard aiguisait les frimas,
Et sa barbe � longs poils, roide comme une 閜閑,
Se projetait, pareille � celle de Judas.
II n'閠ait pas vo鹴�, mais cass�, son 閏hine
Faisant avec sa jambe un parfait angle droit,
Si bien que son b鈚on, parachevant sa mine,
Lui donnait la tournure et le pas maladroit
D'un quadrup鑔e infirme ou d'un juif � trois pattes.
Dans la neige et la boue il allait s'emp阾rant,
Comme s'il 閏rasait des morts sous ses savates,
Hostile � l'univers plut魌 qu'indiff閞ent.
Son pareil le suivait: barbe, oeil, dos, b鈚on, loques,
Nul trait ne distinguait, du m阭e enfer venu,
Ce jumeau centenaire, et ces spectres baroques
Marchaient du m阭e pas vers un but inconnu.
A quel complot inf鈓e 閠ais-je donc en butte,
Ou quel m閏hant hasard ainsi m'humiliait?
Car je comptai sept fois, de minute en minute,
Ce sinistre vieillard qui se multipliait!
Que celui-l� qui rit de mon inqui閠ude
Et qui n'est pas saisi d'un frisson fraternel
Songe bien que malgr� tant de d閏r閜itude
Ces sept monstres hideux avaient l'air 閠ernel!
Aurais je, sans mourir, contempl� le huiti鑝e,
Sosie inexorable, ironique et fatal
D間o鹴ant Ph閚ix, fils et p鑢e de lui-m阭e?
- Mais je tournai le dos au cort鑗e infernal.
Exasp閞� comme un ivrogne qui voit double,
Je rentrai, je fermai ma porte, 閜ouvant�,
Malade et morfondu, l'esprit fi関reux et trouble,
Bless� par le myst鑢e et par l'absurdit�!
Vainement ma raison voulait prendre la barre;
La temp阾e en jouant d閞outait ses efforts,
Et mon 鈓e dansait, dansait, vieille gabarre
Sans m鈚s, sur une mer monstrueuse et sans bords!
A Victor Hugo
I
Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
O� tout, m阭e l'horreur, tourne aux enchantements,
Je guette, ob閕ssant � mes humeurs fatales,
Des 阾res singuliers, d閏r閜its et charmants.
Ces monstres disloqu閟 furent jadis des femmes,
Eponine ou La飐! Monstres bris閟, bossus
Ou tordus, aimons-les! ce sont encor des 鈓es.
Sous des jupons trou閟 et sous de froids tissus
Ils rampent, flagell閟 par les bises iniques,
Fr閙issant au fracas roulant des omnibus,
Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,
Un petit sac brod� de fleurs ou de r閎us;
Ils trottent, tout pareils � des marionnettes;
Se tra頽ent, comme font les animaux bless閟,
Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes
O� se pend un D閙on sans piti�! Tout cass閟
Qu'ils sont, ils ont des yeux per鏰nts comme une vrille,
Luisants comme ces trous o� l'eau dort dans la nuit;
Ils ont les yeux divins de la petite fille
Qui s'閠onne et qui rit � tout ce qui reluit.
- Avez-vous observ� que maints cercueils de vieilles
Sont presque aussi petits que celui d'un enfant?
La Mort savante met dans ces bi鑢es pareilles
Un symbole d'un go鹴 bizarre et captivant,
Et lorsque j'entrevois un fant鬽e d閎ile
Traversant de Paris le fourmillant tableau,
Il me semble toujours que cet 阾re fragile
S'en va tout doucement vers un nouveau berceau;
A moins que, m閐itant sur la g閛m閠rie,
Je ne cherche, � l'aspect de ces membres discords,
Combien de fois il faut que l'ouvrier varie
La forme de la bo顃e o� l'on met tous ces corps.
- Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,
Des creusets qu'un m閠al refroidi pailleta...
Ces yeux myst閞ieux ont d'invincibles charmes
Pour celui que l'aust鑢e Infortune allaita!
II
De Frascati d閒unt Vestale enamour閑;
Pr阾resse de Thalie, h閘as! dont le souffleur
Enterr� sait le nom; c閘鑒re 関apor閑
Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,
Toutes m'enivrent; mais parmi ces 阾res fr阬es
Il en est qui, faisant de la douleur un miel,
Ont dit au D関ouement qui leur pr阾ait ses ailes:
Hippogriffe puissant, m鑞e-moi jusqu'au ciel!
L'une, par sa patrie au malheur exerc閑,
L'autre, que son 閜oux surchargea de douleurs,
L'autre, par son enfant Madone transperc閑,
Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs!
III
Ah! que j'en ai suivi de ces petites vieilles!
Une, entre autres, � l'heure o� le soleil tombant
Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,
Pensive, s'asseyait � l'閏art sur un banc,
Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,
Dont les soldats parfois inondent nos jardins,
Et qui, dans ces soirs d'or o� l'on se sent revivre,
Versent quelque h閞o飐me au coeur des citadins.
Celle-l�, droite encor, fi鑢e et sentant la r鑗le,
Humait avidement ce chant vif et guerrier;
Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle;
Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier!
IV
Telles vous cheminez, sto飍ues et sans plaintes,
A travers le chaos des vivantes cit閟,
M鑢es au coeur saignant, courtisanes ou saintes,
Dont autrefois les noms par tous 閠aient cit閟.
Vous qui f鹴es la gr鈉e ou qui f鹴es la gloires,
Nul ne vous reconna顃! un ivrogne incivil
Vous insulte en passant d'un amour d閞isoire;
Sur vos talons gambade un enfant l鈉he et vil.
Honteuses d'exister, ombres ratatin閑s,
Peureuses, le dos bas, vous c魌oyez les murs;
Et nul ne vous salue, 閠ranges destin閑s!
D閎ris d'humanit� pour l'閠ernit� m鹯s!
Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,
L'oeil inquiet, fix� sur vos pas incertains,
Tout comme si j'閠ais votre p鑢e, � merveille!
Je go鹴e � votre insu des plaisirs clandestins:
Je vois s'閜anouir vos passions novices;
Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus;
Mon coeur multipli� jouit de tous vos vices!
Mon 鈓e resplendit de toutes vos vertus!
Ruines! ma famille! � cerveaux cong閚鑢es!
Je vous fais chaque soir un solennel adieu!
O� serez-vous demain, Eves octog閚aires,
Sur qui p鑣e la griffe effroyable de Dieu?
Contemple-les, mon 鈓e; ils sont vraiment affreux!
Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;
Terribles, singuliers comme les somnambules;
Dardant on ne sait o� leurs globes t閚閎reux.
Leurs yeux, d'o� la divine 閠incelle est partie,
Comme s'ils regardaient au loin, restent lev閟
Au ciel; on ne les voit jamais vers les pav閟
Pencher r陃eusement leur t阾e appesantie.
Ils traversent ainsi le noir illimit�,
Ce fr鑢e du silence 閠ernel. O cit�!
Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,
Eprise du plaisir jusqu'� l'atrocit�,
Vois! je me tra頽e aussi! mais, plus qu'eux h閎閠�,
Je dis: Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles?
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balan鏰nt le feston et l'ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crisp� comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide o� germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un 閏lair... puis la nuit! - Fugitive beaut�
Dont le regard m'a fait soudainement rena顃re,
Ne te verrai-je plus que dans l'閠ernit�?
Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-阾re!
Car j'ignore o� tu fuis, tu ne sais o� je vais,
O toi que j'eusse aim閑, � toi qui le savais!
I
Dans les planches d'anatomie
Qui tra頽ent sur ces quais poudreux
O� maint livre cadav閞eux
Dort comme une antique momie,
Dessins auxquels la gravit�
Et le savoir d'un vieil artiste,
Bien que le sujet en soit triste,
Ont communiqu� la Beaut�,
On voit, ce qui rend plus compl鑤es
Ces myst閞ieuses horreurs,
B阠hant comme des laboureurs,
Des Ecorch閟 et des Squelettes.
II
De ce terrain que vous fouillez,
Manants r閟ign閟 et fun鑒res
De tout l'effort de vos vert鑒res,
Ou de vos muscles d閜ouill閟,
Dites, quelle moisson 閠range,
For鏰ts arrach閟 au charnier,
Tirez-vous, et de quel fermier
Avez-vous � remplir la grange?
Voulez-vous (d'un destin trop dur
Epouvantable et clair embl鑝e!)
Montrer que dans la fosse m阭e
Le sommeil promis n'est pas s鹯;
Qu'envers nous le N閍nt est tra顃re;
Que tout, m阭e la Mort, nous ment,
Et que sempiternellement
H閘as! il nous faudra peut-阾re
Dans quelque pays inconnu
Ecorcher la terre rev阠he
Et pousser une lourde b阠he
Sous notre pied sanglant et nu?
Voici le soir charmant, ami du criminel;
II vient comme un complice, � pas de loup; le ciel
Se ferme lentement comme une grande alc魐e,
Et l'homme impatient se change en b阾e fauve.
O soir, aimable soir, d閟ir� par celui
Dont les bras, sans mentir, peuvent dire: Aujourd'hui
Nous avons travaill�! - C'est le soir qui soulage
Les esprits que d関ore une douleur sauvage,
Le savant obstin� dont le front s'alourdit,
Et l'ouvrier courb� qui regagne son lit.
Cependant des d閙ons malsains dans l'atmosph鑢e
S'関eillent lourdement, comme des gens d'affaire,
Et cognent en volant les volets et l'auvent.
A travers les lueurs que tourmente le vent
La Prostitution s'allume dans les rues;
Comme une fourmili鑢e elle ouvre ses issues;
Partout elle se fraye un occulte chemin,
Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main;
Elle remue au sein de la cit� de fange
Comme un ver qui d閞obe � l'Homme ce qu'il mange.
On entend 玎 et l� les cuisines siffler,
Les th殁tres glapir, les orchestres ronfler;
Les tables d'h魌e, dont le jeu fait les d閘ices,
S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices,
Et les voleurs, qui n'ont ni tr陃e ni merci,
Vont bient魌 commencer leur travail, eux aussi,
Et forcer doucement les portes et les caisses
Pour vivre quelques jours et v阾ir leurs ma顃resses.
Recueille-toi, mon 鈓e, en ce grave moment,
Et ferme ton oreille � ce rugissement.
C'est l'heure o� les douleurs des malades s'aigrissent!
La sombre Nuit les prend � la gorge; ils finissent
Leur destin閑 et vont vers le gouffre commun;
L'h魀ital se remplit de leurs soupirs. - Plus d'un
Ne viendra plus chercher la soupe parfum閑,
Au coin du feu, le soir, aupr鑣 d'une 鈓e aim閑.
Encore la plupart n'ont-ils jamais connu
La douceur du foyer et n'ont jamais v閏u!
Dans des fauteuils fan閟 des courtisanes vieilles,
P鈒es, le sourcil peint, l'oeil c鈒in et fatal,
Minaudant, et faisant de leurs maigres oreilles
Tomber un cliquetis de pierre et de m閠al;
Autour des verts tapis des visages sans l鑦re,
Des l鑦res sans couleur, des m鈉hoires sans dent,
Et des doigts convuls閟 d'une infernale fi鑦re,
Fouillant la poche vide ou le sein palpitant;
Sous de sales plafonds un rang de p鈒es lustres
Et d'閚ormes quinquets projetant leurs lueurs
Sur des fronts t閚閎reux de po鑤es illustres
Qui viennent gaspiller leurs sanglantes sueurs;
Voil� le noir tableau qu'en un r陃e nocturne
Je vis se d閞ouler sous mon oeil clairvoyant.
Moi-m阭e, dans un coin de l'antre taciturne,
Je me vis accoud�, froid, muet, enviant,
Enviant de ces gens la passion tenace,
De ces vieilles putains la fun鑒re gaiet�,
Et tous gaillardement trafiquant � ma face,
L'un de son vieil honneur, l'autre de sa beaut�!
Et mon coeur s'effraya d'envier maint pauvre homme
Courant avec ferveur � l'ab頼e b閍nt,
Et qui, so鹟 de son sang, pr閒閞erait en somme
La douleur � la mort et l'enfer au n閍nt!
A Ernest Christophe
Fi鑢e, autant qu'un vivant, de sa noble stature
Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants
Elle a la nonchalance et la d閟involture
D'une coquette maigre aux airs extravagants.
Vit-on jamais au bal une taille plus mince?
Sa robe exag閞閑, en sa royale ampleur,
S'閏roule abondamment sur un pied sec que pince
Un soulier pomponn�, joli comme une fleur.
La ruche qui se joue au bord des clavicules,
Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher,
D閒end pudiquement des lazzi ridicules
Les fun鑒res appas qu'elle tient � cacher.
Ses yeux profonds sont faits de vide et de t閚鑒res,
Et son cr鈔e, de fleurs artistement coiff�,
Oscille mollement sur ses fr阬es vert鑒res.
O charme d'un n閍nt follement attif�.
Aucuns t'appelleront une caricature,
Qui ne comprennent pas, amants ivres de chair,
L'閘間ance sans nom de l'humaine armature.
Tu r閜onds, grand squelette, � mon go鹴 le plus cher!
Viens-tu troubler, avec ta puissante grimace,
La f阾e de la Vie? ou quelque vieux d閟ir,
Eperonnant encor ta vivante carcasse,
Te pousse-t-il, cr閐ule, au sabbat du Plaisir?
Au chant des violons, aux flammes des bougies,
Esp鑢es-tu chasser ton cauchemar moqueur,
Et viens-tu demander au torrent des orgies
De rafra頲hir l'enfer allum� dans ton coeur?
In閜uisable puits de sottise et de fautes!
De l'antique douleur 閠ernel alambic!
A travers le treillis recourb� de tes c魌es
Je vois, errant encor, l'insatiable aspic.
Pour dire vrai, je crains que ta coquetterie
Ne trouve pas un prix digne de ses efforts
Qui, de ces coeurs mortels, entend la raillerie?
Les charmes de l'horreur n'enivrent que les forts!
Le gouffre de tes yeux, plein d'horribles pens閑s,
Exhale le vertige, et les danseurs prudents
Ne contempleront pas sans d'am鑢es naus閑s
Le sourire 閠ernel de tes trente-deux dents.
Pourtant, qui n'a serr� dans ses bras un squelette,
Et qui ne s'est nourri des choses du tombeau?
Qu'importe le parfum, l'habit ou la toilette?
Qui fait le d間o鹴� montre qu'il se croit beau.
Bayad鑢e sans nez, irr閟istible gouge,
Dis donc � ces danseurs qui font les offusqu閟:
"Fiers mignons, malgr� l'art des poudres et du rouge
Vous sentez tous la mort! O squelettes musqu閟,
Antino黶 fl閠ris, dandys � face glabre,
Cadavres verniss閟, lovelaces chenus,
Le branle universel de la danse macabre
Vous entra頽e en des lieux qui ne sont pas connus!
Des quais froids de la Seine aux bords br鹟ants du Gange,
Le troupeau mortel saute et se p鈓e, sans voir
Dans un trou du plafond la trompette de l'Ange
Sinistrement b閍nte ainsi qu'un tromblon noir.
En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admire
En tes contorsions, risible Humanit�
Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,
M阬e son ironie � ton insanit�!"
Quand je te vois passer, � ma ch鑢e indolente,
Au chant des instruments qui se brise au plafond
Suspendant ton allure harmonieuse et lente,
Et promenant l'ennui de ton regard profond;
Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore,
Ton front p鈒e, embelli par un morbide attrait,
O� les torches du soir allument une aurore,
Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait,
Je me dis: Qu'elle est belle! et bizarrement fra頲he!
Le souvenir massif, royale et lourde tour,
La couronne, et son coeur, meurtri comme une p阠he,
Est m鹯, comme son corps, pour le savant amour.
Es-tu le fruit d'automne aux saveurs souveraines?
Es-tu vase fun鑒re attendant quelques pleurs,
Parfum qui fait r陃er aux oasis lointaines,
Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs?
Je sais qu'il est des yeux, des plus m閘ancoliques,
Qui ne rec鑜ent point de secrets pr閏ieux;
Beaux 閏rins sans joyaux, m閐aillons sans reliques,
Plus vides, plus profonds que vous-m阭es, � Cieux!
Mais ne suffit-il pas que tu sois l'apparence,
Pour r閖ouir un coeur qui fuit la v閞it�?
Qu'importe ta b阾ise ou ton indiff閞ence?
Masque ou d閏or, salut! J'adore ta beaut�.
Je n'ai pas oubli�, voisine de la ville,
Notre blanche maison, petite mais tranquille;
Sa Pomone de pl鈚re et sa vieille V閚us
Dans un bosquet ch閠if cachant leurs membres nus,
Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe,
Qui, derri鑢e la vitre o� se brisait sa gerbe
Semblait, grand oeil ouvert dans le ciel curieux,
Contempler nos d頽ers longs et silencieux,
R閜andant largement ses beaux reflets de cierge
Sur la nappe frugale et les rideaux de serge.
La servante au grand coeur dont vous 閠iez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, 閙ondeur des vieux arbres,
Son vent m閘ancolique � l'entour de leurs marbres,
Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, d関or閟 de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gel閟 travaill閟 par le ver,
Ils sentent s'間outter les neiges de l'hiver
Et le si鑓le couler, sans qu'amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent � leur grille.
Lorsque la b鹀he siffle et chante, si le soir
Calme, dans le fauteuil je la voyais s'asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de d閏embre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit 閠ernel
Couver l'enfant grandi de son oeil maternel,
Que pourrais-je r閜ondre � cette 鈓e pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupi鑢e creuse?
O fins d'automne, hivers, printemps tremp閟 de boue,
Endormeuses saisons! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine o� l'autan froid se joue,
O� par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon 鈓e mieux qu'au temps du ti鑔e renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses fun鑒res,
Et sur qui d鑣 longtemps descendent les frimas,
O blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos p鈒es t閚鑒res,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux � deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
A Constantin Guys
I
De ce terrible paysage,
Tel que jamais mortel n'en vit,
Ce matin encore l'image,
Vague et lointaine, me ravit.
Le sommeil est plein de miracles!
Par un caprice singulier
J'avais banni de ces spectacles
Le v間閠al irr間ulier,
Et, peintre fier de mon g閚ie,
Je savourais dans mon tableau
L'enivrante monotonie
Du m閠al, du marbre et de l'eau.
Babel d'escaliers et d'arcades,
C'閠ait un palais infini
Plein de bassins et de cascades
Tombant dans l'or mat ou bruni;
Et des cataractes pesantes,
Comme des rideaux de cristal
Se suspendaient, 閎louissantes,
A des murailles de m閠al.
Non d'arbres, mais de colonnades
Les 閠angs dormants s'entouraient
O� de gigantesques na颽des,
Comme des femmes, se miraient.
Des nappes d'eau s'閜anchaient, bleues,
Entre des quais roses et verts,
Pendant des millions de lieues,
Vers les confins de l'univers:
C'閠aient des pierres inou飁s
Et des flots magiques, c'閠aient
D'immenses glaces 閎louies
Par tout ce qu'elles refl閠aient!
Insouciants et taciturnes,
Des Ganges, dans le firmament,
Versaient le tr閟or de leurs urnes
Dans des gouffres de diamant.
Architecte de mes f閑ries,
Je faisais, � ma volont�,
Sous un tunnel de pierreries
Passer un oc閍n dompt�;
Et tout, m阭e la couleur noire,
Semblait fourbi, clair, iris�;
Le liquide ench鈙sait sa gloire
Dans le rayon cristallis�.
Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges
De soleil, m阭e au bas du ciel,
Pour illuminer ces prodiges,
Qui brillaient d'un feu personnel!
Et sur ces mouvantes merveilles
Planait (terrible nouveaut�!
Tout pour l'oeil, rien pour les oreilles!)
Un silence d'閠ernit�.
II
En rouvrant mes yeux pleins de flamme
J'ai vu l'horreur de mon taudis,
Et senti, rentrant dans mon 鈓e,
La pointe des soucis maudits;
La pendule aux accents fun鑒res
Sonnait brutalement midi,
Et le ciel versait des t閚鑒res
Sur le triste monde engourdi.
La diane chantait dans les cours des casernes,
Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.
C'閠ait l'heure o� l'essaim des r陃es malfaisants
Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents;
O�, comme un oeil sanglant qui palpite et qui bouge,
La lampe sur le jour fait une tache rouge;
O� l'鈓e, sous le poids du corps rev阠he et lourd,
Imite les combats de la lampe et du jour.
Comme un visage en pleurs que les brises essuient,
L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient,
Et l'homme est las d'閏rire et la femme d'aimer.
Les maisons 玎 et l� commen鏰ient � fumer.
Les femmes de plaisir, la paupi鑢e livide,
Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide;
Les pauvresses, tra頽ant leurs seins maigres et froids,
Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts.
C'閠ait l'heure o� parmi le froid et la l閟ine
S'aggravent les douleurs des femmes en g閟ine;
Comme un sanglot coup� par un sang 閏umeux
Le chant du coq au loin d閏hirait l'air brumeux
Une mer de brouillards baignait les 閐ifices,
Et les agonisants dans le fond des hospices
Poussaient leur dernier r鈒e en hoquets in間aux.
Les d閎auch閟 rentraient, bris閟 par leurs travaux.
L'aurore grelottante en robe rose et verte
S'avan鏰it lentement sur la Seine d閟erte,
Et le sombre Paris, en se frottant les yeux
Empoignait ses outils, vieillard laborieux.
LE VIN
Un soir, l'鈓e du vin chantait dans les bouteilles:
"Homme, vers toi je pousse, � cher d閟h閞it�,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumi鑢e et de fraternit�!
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'鈓e;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'閜rouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme us� par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
O� je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;
J'allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce fr阬e athl鑤e de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, v間閠ale ambroisie,
Grain pr閏ieux jet� par l'閠ernel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la po閟ie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!"
Souvent � la clart� rouge d'un r関erb鑢e
Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre,
Au coeur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux
O� l'humanit� grouille en ferments orageux,
On voit un chiffonnier qui vient, hochant la t阾e,
Butant, et se cognant aux murs comme un po鑤e,
Et, sans prendre souci des mouchards, ses sujets,
Epanche tout son coeur en glorieux projets.
Il pr阾e des serments, dicte des lois sublimes,
Terrasse les m閏hants, rel鑦e les victimes,
Et sous le firmament comme un dais suspendu
S'enivre des splendeurs de sa propre vertu.
Oui, ces gens harcel閟 de chagrins de m閚age
Moulus par le travail et tourment閟 par l'鈍e
Ereint閟 et pliant sous un tas de d閎ris,
Vomissement confus de l'閚orme Paris,
Reviennent, parfum閟 d'une odeur de futailles,
Suivis de compagnons, blanchis dans les batailles,
Dont la moustache pend comme les vieux drapeaux.
Les banni鑢es, les fleurs et les arcs triomphaux
Se dressent devant eux, solennelle magie!
Et dans l'閠ourdissante et lumineuse orgie
Des clairons, du soleil, des cris et du tambour,
Ils apportent la gloire au peuple ivre d'amour!
C'est ainsi qu'� travers l'Humanit� frivole
Le vin roule de l'or, 閎louissant Pactole;
Par le gosier de l'homme il chante ses exploits
Et r鑗ne par ses dons ainsi que les vrais rois.
Pour noyer la rancoeur et bercer l'indolence
De tous ces vieux maudits qui meurent en silence,
Dieu, touch� de remords, avait fait le sommeil;
L'Homme ajouta le Vin, fils sacr� du Soleil!
Ma femme est morte, je suis libre!
Je puis donc boire tout mon so鹟.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me d閏hiraient la fibre.
Autant qu'un roi je suis heureux;
L'air est pur, le ciel admirable...
Nous avions un 閠� semblable
Lorsque j'en devins amoureux!
L'horrible soif qui me d閏hire
Aurait besoin pour s'assouvir
D'autant de vin qu'en peut tenir
Son tombeau; - ce n'est pas peu dire:
Je l'ai jet閑 au fond d'un puits,
Et j'ai m阭e pouss� sur elle
Tous les pav閟 de la margelle.
- Je l'oublierai si je le puis!
Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous d閘ier,
Et pour nous r閏oncilier
Comme au beau temps de notre ivresse,
J'implorai d'elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint - folle cr閍ture!
Nous sommes tous plus ou moins fous!
Elle 閠ait encore jolie,
Quoique bien fatigu閑! et moi,
Je l'aimais trop! voil� pourquoi
Je lui dis: Sors de cette vie!
Nul ne peut me comprendre. Un seul
Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
A faire du vin un linceul?
Cette crapule invuln閞able
Comme les machines de fer
Jamais, ni l'閠� ni l'hiver,
N'a connu l'amour v閞itable,
Avec ses noirs enchantements,
Son cort鑗e infernal d'alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de cha頽e et d'ossements!
- Me voil� libre et solitaire!
Je serai ce soir ivre mort;
Alors, sans peur et sans remords,
Je me coucherai sur la terre,
Et je dormirai comme un chien!
Le chariot aux lourdes roues
Charg� de pierres et de boues,
Le wagon enrag� peut bien
Ecraser ma t阾e coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m'en moque comme de Dieu,
Du Diable ou de la Sainte Table!
Le regard singulier d'une femme galante
Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
Quand elle y veut baigner sa beaut� nonchalante;
Le dernier sac d'閏us dans les doigts d'un joueur;
Un baiser libertin de la maigre Adeline;
Les sons d'une musique 閚ervante et c鈒ine,
Semblable au cri lointain de l'humaine douleur,
Tout cela ne vaut pas, � bouteille profonde,
Les baumes p閚閠rants que ta panse f閏onde
Garde au coeur alt閞� du po鑤e pieux;
Tu lui verses l'espoir, la jeunesse et la vie,
- Et l'orgueil, ce tr閟or de toute gueuserie,
Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux!
Aujourd'hui l'espace est splendide!
Sans mors, sans 閜erons, sans bride,
Partons � cheval sur le vin
Pour un ciel f閑rique et divin!
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain!
Mollement balanc閟 sur l'aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un d閘ire parall鑜e,
Ma soeur, c魌e � c魌e nageant,
Nous fuirons sans repos ni tr陃es
Vers le paradis de mes r陃es!
FLEURS DU MAL
Sans cesse � mes c魌閟 s'agite le D閙on;
II nage autour de moi comme un air impalpable;
Je l'avale et le sens qui br鹟e mon poumon
Et l'emplit d'un d閟ir 閠ernel et coupable.
Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
La forme de la plus s閐uisante des femmes,
Et, sous de sp閏ieux pr閠extes de cafard,
Accoutume ma l鑦re � des philtres inf鈓es.
II me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
Haletant et bris� de fatigue, au milieu
Des plaines de l'Ennui, profondes et d閟ertes,
Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des v阾ements souill閟, des blessures ouvertes,
Et l'appareil sanglant de la Destruction!
Dessin d'un Ma顃re inconnu
Au milieu des flacons, des 閠offes lam閑s
Et des meubles voluptueux,
Des marbres, des tableaux, des robes parfum閑s
Qui tra頽ent � plis somptueux,
Dans une chambre ti鑔e o�, comme en une serre,
L'air est dangereux et fatal,
O� des bouquets mourants dans leurs cercueils de verre
Exhalent leur soupir final,
Un cadavre sans t阾e 閜anche, comme un fleuve,
Sur l'oreiller d閟alt閞�
Un sang rouge et vivant, dont la toile s'abreuve
Avec l'avidit� d'un pr�.
Semblable aux visions p鈒es qu'enfante l'ombre
Et qui nous encha頽ent les yeux,
La t阾e, avec l'amas de sa crini鑢e sombre
Et de ses bijoux pr閏ieux,
Sur la table de nuit, comme une renoncule,
Repose; et, vide de pensers,
Un regard vague et blanc comme le cr閜uscule
S'閏happe des yeux r関uls閟.
Sur le lit, le tronc nu sans scrupules 閠ale
Dans le plus complet abandon
La secr鑤e splendeur et la beaut� fatale
Dont la nature lui fit don;
Un bas ros鈚re, orn� de coins d'or, � la jambe,
Comme un souvenir est rest�;
La jarreti鑢e, ainsi qu'un oeil secret qui flambe,
Darde un regard diamant�.
Le singulier aspect de cette solitude
Et d'un grand portrait langoureux,
Aux yeux provocateurs comme son attitude,
R関鑜e un amour t閚閎reux,
Une coupable joie et des f阾es 閠ranges
Pleines de baisers infernaux,
Dont se r閖ouissait l'essaim des mauvais anges
Nageant dans les plis des rideaux;
Et cependant, � voir la maigreur 閘間ante
De l'閜aule au contour heurt�,
La hanche un peu pointue et la taille fringante
Ainsi qu'un reptile irrit�,
Elle est bien jeune encor! - Son 鈓e exasp閞閑
Et ses sens par l'ennui mordus
S'閠aient-ils entr'ouverts � la meute alt閞閑
Des d閟irs errants et perdus?
L'homme vindicatif que tu n'as pu, vivante,
Malgr� tant d'amour, assouvir,
Combla-t-il sur ta chair inerte et complaisante
L'immensit� de son d閟ir?
R閜onds, cadavre impur! et par tes tresses roides
Te soulevant d'un bras fi関reux,
Dis-moi, t阾e effrayante, a-t-il sur tes dents froides
Coll� les supr阭es adieux?
- Loin du monde railleur, loin de la foule impure,
Loin des magistrats curieux,
Dors en paix, dors en paix, 閠range cr閍ture,
Dans ton tombeau myst閞ieux;
Ton 閜oux court le monde, et ta forme immortelle
Veille pr鑣 de lui quand il dort;
Autant que toi sans doute il te sera fid鑜e,
Et constant jusques � la mort.
Comme un b閠ail pensif sur le sable couch閑s,
Elles tournent leurs yeux vers l'horizon des mers,
Et leurs pieds se cherchent et leurs mains rapproch閑s
Ont de douces langueurs et des frissons amers.
Les unes, coeurs 閜ris des longues confidences,
Dans le fond des bosquets o� jasent les ruisseaux,
Vont 閜elant l'amour des craintives enfances
Et creusent le bois vert des jeunes arbrisseaux;
D'autres, comme des soeurs, marchent lentes et graves
A travers les rochers pleins d'apparitions,
O� saint Antoine a vu surgir comme des laves
Les seins nus et pourpr閟 de ses tentations;
II en est, aux lueurs des r閟ines croulantes,
Qui dans le creux muet des vieux antres pa飁ns
T'appellent au secours de leurs fi鑦res hurlantes,
O Bacchus, endormeur des remords anciens!
Et d'autres, dont la gorge aime les scapulaires,
Qui, rec閘ant un fouet sous leurs longs v阾ements,
M阬ent, dans le bois sombre et les nuits solitaires,
L'閏ume du plaisir aux larmes des tourments.
O vierges, � d閙ons, � monstres, � martyres,
De la r閍lit� grands esprits contempteurs,
Chercheuses d'infini d関otes et satyres,
Tant魌 pleines de cris, tant魌 pleines de pleurs,
Vous que dans votre enfer mon 鈓e a poursuivies,
Pauvres soeurs, je vous aime autant que je vous plains,
Pour vos mornes douleurs, vos soifs inassouvies,
Et les urnes d'amour dont vos grands coeurs sont pleins
La D閎auche et la Mort sont deux aimables filles,
Prodigues de baisers et riches de sant�,
Dont le flanc toujours vierge et drap� de guenilles
Sous l'閠ernel labeur n'a jamais enfant�.
Au po鑤e sinistre, ennemi des familles,
Favori de l'enfer, courtisan mal rent�,
Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles
Un lit que le remords n'a jamais fr閝uent�.
Et la bi鑢e et l'alc魐e en blasph鑝es f閏ondes
Nous offrent tour � tour, comme deux bonnes soeurs,
De terribles plaisirs et d'affreuses douceurs.
Quand veux-tu m'enterrer, D閎auche aux bras immondes?
O Mort, quand viendras-tu, sa rivale en attraits,
Sur ses myrtes infects enter tes noirs cypr鑣?
Il me semble parfois que mon sang coule � flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me t鈚e en vain pour trouver la blessure.
A travers la cit�, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pav閟 en 頻ots,
D閟alt閞ant la soif de chaque cr閍ture,
Et partout colorant en rouge la nature.
J'ai demand� souvent � des vins captieux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine;
Le vin rend l'oeil plus clair et l'oreille plus fine!
J'ai cherch� dans l'amour un sommeil oublieux;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Fait pour donner � boire � ces cruelles filles!
C'est une femme belle et de riche encolure,
Qui laisse dans son vin tra頽er sa chevelure.
Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,
Tout glisse et tout s'閙ousse au granit de sa peau.
Elle rit � la Mort et nargue la D閎auche,
Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,
Dans ses jeux destructeurs a pourtant respect�
De ce corps ferme et droit la rude majest�.
Elle marche en d閑sse et repose en sultane;
Elle a dans le plaisir la foi mahom閠ane,
Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,
Elle appelle des yeux la race des humains.
Elle croit, elle sait, cette vierge inf閏onde
Et pourtant n閏essaire � la marche du monde,
Que la beaut� du corps est un sublime don
Qui de toute infamie arrache le pardon.
Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,
Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire
Elle regardera la face de la Mort,
Ainsi qu'un nouveau-n�, - sans haine et sans remords.
Dans des terrains cendreux, calcin閟, sans verdure,
Comme je me plaignais un jour � la nature,
Et que de ma pens閑, en vaguant au hasard,
J'aiguisais lentement sur mon coeur le poignard,
Je vis en plein midi descendre sur ma t阾e
Un nuage fun鑒re et gros d'une temp阾e,
Qui portait un troupeau de d閙ons vicieux,
Semblables � des nains cruels et curieux.
A me consid閞er froidement ils se mirent,
Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent,
Je les entendis rire et chuchoter entre eux,
En 閏hangeant maint signe et maint clignement d'yeux:
- "Contemplons � loisir cette caricature
Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture,
Le regard ind閏is et les cheveux au vent.
N'est-ce pas grand'piti� de voir ce bon vivant,
Ce gueux, cet histrion en vacances, ce dr鬺e,
Parce qu'il sait jouer artistement son r鬺e,
Vouloir int閞esser au chant de ses douleurs
Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,
Et m阭e � nous, auteurs de ces vieilles rubriques,
R閏iter en hurlant ses tirades publiques?"
J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts
Domine la nu閑 et le cri des d閙ons)
D閠ourner simplement ma t阾e souveraine,
Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obsc鑞e,
Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil!
La reine de mon coeur au regard nonpareil
Qui riait avec eux de ma sombre d閠resse
Et leur versait parfois quelque sale caresse.
Mon coeur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux
Et planait librement � l'entour des cordages;
Le navire roulait sous un ciel sans nuages;
Comme un ange enivr� d'un soleil radieux.
Quelle est cette 頻e triste et noire? - C'est Cyth鑢e,
Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons
Eldorado banal de tous les vieux gar鏾ns.
Regardez, apr鑣 tout, c'est une pauvre terre.
- Ile des doux secrets et des f阾es du coeur!
De l'antique V閚us le superbe fant鬽e
Au-dessus de tes mers plane comme un ar鬽e
Et charge les esprits d'amour et de langueur.
Belle 頻e aux myrtes verts, pleine de fleurs 閏loses,
V閚閞閑 � jamais par toute nation,
O� les soupirs des coeurs en adoration
Roulent comme l'encens sur un jardin de roses
Ou le roucoulement 閠ernel d'un ramier!
- Cyth鑢e n'閠ait plus qu'un terrain des plus maigres,
Un d閟ert rocailleux troubl� par des cris aigres.
J'entrevoyais pourtant un objet singulier!
Ce n'閠ait pas un temple aux ombres bocag鑢es,
O� la jeune pr阾resse, amoureuse des fleurs,
Allait, le corps br鹟� de secr鑤es chaleurs,
Entre-b鈏llant sa robe aux brises passag鑢es;
Mais voil� qu'en rasant la c魌e d'assez pr鑣
Pour troubler les oiseaux avec nos voiles blanches,
Nous v頼es que c'閠ait un gibet � trois branches,
Du ciel se d閠achant en noir, comme un cypr鑣.
De f閞oces oiseaux perch閟 sur leur p鈚ure
D閠ruisaient avec rage un pendu d閖� m鹯,
Chacun plantant, comme un outil, son bec impur
Dans tous les coins saignants de cette pourriture;
Les yeux 閠aient deux trous, et du ventre effondr�
Les intestins pesants lui coulaient sur les cuisses,
Et ses bourreaux, gorg閟 de hideuses d閘ices,
L'avaient � coups de bec absolument ch鈚r�.
Sous les pieds, un troupeau de jaloux quadrup鑔es,
Le museau relev�, tournoyait et r鬱ait;
Une plus grande b阾e au milieu s'agitait
Comme un ex閏uteur entour� de ses aides.
Habitant de Cyth鑢e, enfant d'un ciel si beau,
Silencieusement tu souffrais ces insultes
En expiation de tes inf鈓es cultes
Et des p閏h閟 qui t'ont interdit le tombeau.
Ridicule pendu, tes douleurs sont les miennes!
Je sentis, � l'aspect de tes membres flottants,
Comme un vomissement, remonter vers mes dents
Le long fleuve de fiel des douleurs anciennes;
Devant toi, pauvre diable au souvenir si cher,
J'ai senti tous les becs et toutes les m鈉hoires
Des corbeaux lancinants et des panth鑢es noires
Qui jadis aimaient tant � triturer ma chair.
- Le ciel 閠ait charmant, la mer 閠ait unie;
Pour moi tout 閠ait noir et sanglant d閟ormais,
H閘as! et j'avais, comme en un suaire 閜ais,
Le coeur enseveli dans cette all間orie.
Dans ton 頻e, � V閚us! je n'ai trouv� debout
Qu'un gibet symbolique o� pendait mon image...
- Ah! Seigneur! donnez-moi la force et le courage
De contempler mon coeur et mon corps sans d間o鹴!
Vieux cul-de-lampe
L'Amour est assis sur le cr鈔e
De l'Humanit�,
Et sur ce tr鬾e le profane,
Au rire effront�,
Souffle gaiement des bulles rondes
Qui montent dans l'air,
Comme pour rejoindre les mondes
Au fond de l'閠her.
Le globe lumineux et fr阬e
Prend un grand essor,
Cr鑦e et crache son 鈓e gr阬e
Comme un songe d'or.
J'entends le cr鈔e � chaque bulle
Prier et g閙ir:
- "Ce jeu f閞oce et ridicule,
Quand doit-il finir?
Car ce que ta bouche cruelle
Eparpille en l'air,
Monstre assassin, c'est ma cervelle,
Mon sang et ma chair!"
REVOLTE
CXVIII - Le Reniement de Saint Pierre
Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anath鑝es
Qui monte tous les jours vers ses chers S閞aphins?
Comme un tyran gorg� de viande et de vins,
II s'endort au doux bruit de nos affreux blasph鑝es.
Les sanglots des martyrs et des supplici閟
Sont une symphonie enivrante sans doute,
Puisque, malgr� le sang que leur volupt� co鹴e,
Les cieux ne s'en sont point encore rassasi閟!
- Ah! J閟us, souviens-toi du Jardin des Olives!
Dans ta simplicit� tu priais � genoux
Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous
Que d'ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,
Lorsque tu vis cracher sur ta divinit�
La crapule du corps de garde et des cuisines,
Et lorsque tu sentis s'enfoncer les 閜ines
Dans ton cr鈔e o� vivait l'immense Humanit�;
Quand de ton corps bris� la pesanteur horrible
Allongeait tes deux bras distendus, que ton sang
Et ta sueur coulaient de ton front p鈒issant,
Quand tu fus devant tous pos� comme une cible,
R陃ais-tu de ces jours si brillants et si beaux
O� tu vins pour remplir l'閠ernelle promesse,
O� tu foulais, mont� sur une douce 鈔esse,
Des chemins tout jonch閟 de fleurs et de rameaux,
O�, le coeur tout gonfl� d'espoir et de vaillance,
Tu fouettais tous ces vils marchands � tour de bras,
O� tu fus ma顃re enfin? Le remords n'a-t-il pas
P閚閠r� dans ton flanc plus avant que la lance?
- Certes, je sortirai, quant � moi, satisfait
D'un monde o� l'action n'est pas la soeur du r陃e;
Puiss�-je user du glaive et p閞ir par le glaive!
Saint Pierre a reni� J閟us... il a bien fait!
I
Race d'Abel, dors, bois et mange;
Dieu te sourit complaisamment.
Race de Ca飊, dans la fange
Rampe et meurs mis閞ablement.
Race d'Abel, ton sacrifice
Flatte le nez du S閞aphin!
Race de Ca飊, ton supplice
Aura-t-il jamais une fin?
Race d'Abel, vois tes semailles
Et ton b閠ail venir � bien;
Race de Ca飊, tes entrailles
Hurlent la faim comme un vieux chien.
Race d'Abel, chauffe ton ventre
A ton foyer patriarcal;
Race de Ca飊, dans ton antre
Tremble de froid, pauvre chacal!
Race d'Abel, aime et pullule!
Ton or fait aussi des petits.
Race de Ca飊, coeur qui br鹟e,
Prends garde � ces grands app閠its.
Race d'Abel, tu cro顂 et broutes
Comme les punaises des bois!
Race de Ca飊, sur les routes
Tra頽e ta famille aux abois.
II
Ah! race d'Abel, ta charogne
Engraissera le sol fumant!
Race de Ca飊, ta besogne
N'est pas faite suffisamment;
Race d'Abel, voici ta honte:
Le fer est vaincu par l'閜ieu!
Race de Ca飊, au ciel monte,
Et sur la terre jette Dieu!
O toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et priv� de louanges,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
O Prince de l'exil, � qui l'on a fait tort
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Gu閞isseur familier des angoisses humaines,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui, m阭e aux l閜reux, aux parias maudits,
Enseignes par l'amour le go鹴 du Paradis,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
O toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l'Esp閞ance, - une folle charmante!
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut
Qui damne tout un peuple autour d'un 閏hafaud.
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui sais en quels coins des terres envieuses
Le Dieu jaloux cacha les pierres pr閏ieuses,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi dont l'oeil clair conna顃 les profonds arsenaux
O� dort enseveli le peuple des m閠aux,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi dont la large main cache les pr閏ipices
Au somnambule errant au bord des 閐ifices,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os
De l'ivrogne attard� foul� par les chevaux,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui, pour consoler l'homme fr阬e qui souffre,
Nous appris � m阬er le salp阾re et le soufre,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui poses ta marque, � complice subtil,
Sur le front du Cr閟us impitoyable et vil,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles
Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
B鈚on des exil閟, lampe des inventeurs,
Confesseur des pendus et des conspirateurs,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
P鑢e adoptif de ceux qu'en sa noire col鑢e
Du paradis terrestre a chass閟 Dieu le P鑢e,
O Satan, prends piti� de ma longue mis鑢e!
Pri鑢e
Gloire et louange � toi, Satan, dans les hauteurs
Du Ciel, o� tu r間nas, et dans les profondeurs
De l'Enfer, o�, vaincu, tu r陃es en silence!
Fais que mon 鈓e un jour, sous l'Arbre de Science,
Pr鑣 de toi se repose, � l'heure o� sur ton front
Comme un Temple nouveau ses rameaux s'閜andront!
LA MORT
Nous aurons des lits pleins d'odeurs l間鑢es,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'閠ranges fleurs sur des 閠ag鑢es,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Usant � l'envi leurs chaleurs derni鑢es,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui r閒l閏hiront leurs doubles lumi鑢es
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous 閏hangerons un 閏lair unique,
Comme un long sanglot, tout charg� d'adieux;
Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fid鑜e et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
C'est la Mort qui console, h閘as! et qui fait vivre;
C'est le but de la vie - et c'est le seul espoir
Qui, comme un 閘ixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le coeur de marcher jusqu'au soir;
A travers la temp阾e, et la neige, et le givre,
C'est la clart� vibrante � notre horizon noir
C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,
O� l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir;
C'est un Ange qui tient dans ses doigts magn閠iques
Le sommeil et le don des r陃es extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;
C'est la gloire des Dieux, c'est le grenier mystique,
C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!
Combien faut-il de fois secouer mes grelots
Et baiser ton front bas, morne caricature?
Pour piquer dans le but, de mystique nature,
Combien, � mon carquois, perdre de javelots?
Nous userons notre 鈓e en de subtils complots,
Et nous d閙olirons mainte lourde armature,
Avant de contempler la grande Cr閍ture
Dont l'infernal d閟ir nous remplit de sanglots!
Il en est qui jamais n'ont connu leur Idole,
Et ces sculpteurs damn閟 et marqu閟 d'un affront,
Qui vont se martelant la poitrine et le front,
N'ont qu'un espoir, 閠range et sombre Capitole!
C'est que la Mort, planant comme un soleil nouveau,
Fera s'閜anouir les fleurs de leur cerveau!
Sous une lumi鑢e blafarde
Court, danse et se tord sans raison
La Vie, impudente et criarde.
Aussi, sit魌 qu'� l'horizon
La nuit voluptueuse monte,
Apaisant tout, m阭e la faim,
Effa鏰nt tout, m阭e la honte,
Le Po鑤e se dit: "Enfin!
Mon esprit, comme mes vert鑒res,
Invoque ardemment le repos;
Le coeur plein de songes fun鑒res,
Je vais me coucher sur le dos
Et me rouler dans vos rideaux,
O rafra頲hissantes t閚鑒res!"
A F閘ix Nadar
Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse
Et de toi fais-tu dire: "Oh! l'homme singulier!"
- J'allais mourir. C'閠ait dans mon 鈓e amoureuse
D閟ir m阬� d'horreur, un mal particulier;
Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture 閠ait 鈖re et d閘icieuse;
Tout mon coeur s'arrachait au monde familier.
J'閠ais comme l'enfant avide du spectacle,
Ha飐sant le rideau comme on hait un obstacle...
Enfin la v閞it� froide se r関閘a:
J'閠ais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait. - Eh quoi! n'est-ce donc que cela?
La toile 閠ait lev閑 et j'attendais encore.
A Maxime du Camp
I
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est 間al � son vaste app閠it.
Ah! que le monde est grand � la clart� des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est petit!
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de d閟irs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Ber鏰nt notre infini sur le fini des mers:
Les uns, joyeux de fuir une patrie inf鈓e;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noy閟 dans les yeux d'une femme,
La Circ� tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'阾re pas chang閟 en b阾es, ils s'enivrent
D'espace et de lumi鑢e et de cieux embras閟;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-l� seuls qui partent
Pour partir; coeurs l間ers, semblables aux ballons,
De leur fatalit� jamais ils ne s'閏artent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!
Ceux-l� dont les d閟irs ont la forme des nues,
Et qui r陃ent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes volupt閟, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!
II
Nous imitons, horreur! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds; m阭e dans nos sommeils
La Curiosit� nous tourmente et nous roule
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singuli鑢e fortune o� le but se d閜lace,
Et, n'閠ant nulle part, peut 阾re n'importe o�!
O� l'Homme, dont jamais l'esp閞ance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou!
Notre 鈓e est un trois-m鈚s cherchant son Icarie;
Une voix retentit sur le pont: "Ouvre l'oeil!"
Une voix de la hune, ardente et folle, crie:
"Amour... gloire... bonheur!" Enfer! c'est un 閏ueil!
Chaque 頻ot signal� par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un r閏if aux clart閟 du matin.
O le pauvre amoureux des pays chim閞iques!
Faut-il le mettre aux fers, le jeter � la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Am閞iques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer?
Tel le vieux vagabond, pi閠inant dans la boue,
R陃e, le nez en l'air, de brillants paradis;
Son oeil ensorcel� d閏ouvre une Capoue
Partout o� la chandelle illumine un taudis.
III
Etonnants voyageurs! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers!
Montrez-nous les 閏rins de vos riches m閙oires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'閠hers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile!
Faites, pour 間ayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu?
IV
"Nous avons vu des astres
Et des flots, nous avons vu des sables aussi;
Et, malgr� bien des chocs et d'impr関us d閟astres,
Nous nous sommes souvent ennuy閟, comme ici.
La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cit閟 dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inqui鑤e
De plonger dans un ciel au reflet all閏hant.
Les plus riches cit閟, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait myst閞ieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le d閟ir nous rendait soucieux!
- La jouissance ajoute au d閟ir de la force.
D閟ir, vieil arbre � qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton 閏orce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus pr鑣!
Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cypr鑣? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace
Fr鑢es qui trouvez beau tout ce qui vient de loin!
Nous avons salu� des idoles � trompe;
Des tr鬾es constell閟 de joyaux lumineux;
Des palais ouvrag閟 dont la f閑rique pompe
Serait pour vos banquiers un r陃e ruineux;
Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse."
V
Et puis, et puis encore?
VI
"O cerveaux enfantins!
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherch�,
Du haut jusques en bas de l'閏helle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel p閏h�:
La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans d間o鹴;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'間out;
Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote;
La f阾e qu'assaisonne et parfume le sang;
Le poison du pouvoir 閚ervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant;
Plusieurs religions semblables � la n魌re,
Toutes escaladant le ciel; la Saintet�,
Comme en un lit de plume un d閘icat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupt�;
L'Humanit� bavarde, ivre de son g閚ie,
Et, folle maintenant comme elle 閠ait jadis,
Criant � Dieu, dans sa furibonde agonie:
"O mon semblable, mon ma顃re, je te maudis!"
Et les moins sots, hardis amants de la D閙ence,
Fuyant le grand troupeau parqu� par le Destin,
Et se r閒ugiant dans l'opium immense!
- Tel est du globe entier l'閠ernel bulletin."
VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage!
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
Une oasis d'horreur dans un d閟ert d'ennui!
Faut-il partir? rester? Si tu peux rester, reste;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps! Il est, h閘as! des coureurs sans r閜it,
Comme le Juif errant et comme les ap魌res,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce r閠iaire inf鈓e; il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre 閏hine,
Nous pourrons esp閞er et crier: En avant!
De m阭e qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fix閟 au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des T閚鑒res
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix charmantes et fun鑒res,
Qui chantent: "Par ici vous qui voulez manger
Le Lotus parfum�! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim;
Venez vous enivrer de la douceur 閠range
De cette apr鑣-midi qui n'a jamais de fin!"
A l'accent familier nous devinons le spectre;
Nos Pylades l�-bas tendent leurs bras vers nous.
"Pour rafra頲hir ton coeur nage vers ton Electre!"
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.
VIII
O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
Ce pays nous ennuie, � Mort! Appareillons!
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!
Verse-nous ton poison pour qu'il nous r閏onforte!
Nous voulons, tant ce feu nous br鹟e le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!